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Méditation du frère Roger Schütz (prononcer : Choutz) / Bannir la peur

Lundi de la 10ème semaine du Temps Ordinaire, Années Paires, Commentaire de Ph 1, 12-26 / 10 juin 2024.

Dans l’immense confrontation qui se prépare il nous est demandé de prier pour que ces choses n’arrivent pas en hiver, c’est-à-dire pour que rien ne soit trop cruel, trop violent, pour qu’il n’y ait pas trop de victimes parmi les faibles de ce monde.

Mais nous ne saurions vivre dans la crainte. L’homme qui veut être ouvrier d’unité, et dans ce but s’incorporer à la civilisation qui vient, doit d’abord exclure la peur. L’homme ne craint rien lorsqu’il est fondé en Dieu. Il est alors à l’avance un homme victorieux.

Être à l’avance des victorieux, cela signifie d’abord ne plus user nos forces contre nous-mêmes, à l’intérieur de notre chrétienté. Il importe de renoncer aux malheureuses habitudes d’étiqueter et de qualifier trop rapidement un chrétien de progressiste ou d’intégriste et de le disqualifier sans se rendre compte que par-là déjà on détruit quelque chose du Corps même de Jésus Christ. On n’attaque pas impunément ce Corps.

Être victorieux, cela peut encore signifier que nous n’usions plus nos forces contre d’autres hommes au dehors, contre ceux qui n’ont pas la foi ou même contre les puissants de ce monde. Contre ceux-ci, nous aurions beau unir les forces matérielles de toutes les chrétientés, nous ne pourrions pas grand-chose. De toutes façons, il nous faut rejeter tout esprit de croisade contre qui que ce soit sur cette terre, bannir cette peur viscérale qui s’empare de nous en face des diverses idéologies, et ne jamais espérer que la réunion des chrétiens leur donnerait une puissance capable d’abattre le vis-à-vis étranger.

Le chrétien devrait, à cause de ce qui l’habite, être un homme qui entraîne avec lui en avant. Il court vers le Christ. Il n’a plus de peur.

Bien sûr, en face des divers matérialismes, il est juste que les bergers avertissent les fidèles des dangers qui les menacent et cherchent constamment à rassembler le troupeau. Mais dans ce cas, ces bergers ne réagissent pas à ce moment-là sous le coup de la peur, mais de façon positive, en fonction d’un ministère pastoral qui leur est confié.

Il importe de garder la tête froide, de prendre le recul de l’histoire, afin de ne jamais confondre et ne jamais assimiler la civilisation de la technique et des masses avec les idéologies qui en sont présentement le support en certains lieux du monde. Plus que des idéologies dépassées, le chrétien de demain aura à affronter une situation créée par des applications technologiques à peine imaginables aujourd’hui.

C’est donc bien ici que doit se situer, au sein des chrétientés, le rôle du berger, du pasteur. Mais un vrai berger, s’il est pris d’une peur panique, ne peut plus rien faire pour protéger son troupeau et il lui communique sa propre crainte. Un homme qui a reçu vocation sacerdotale et pastorale cherche le moyen de faire pénétrer l’Évangile là où il n’est pas. Ce n’est pas en se raidissant sur des positions de principe que l’on rendra le monde de la technique perméable à l’Evangile. Telle sera l’œuvre de la génération chrétienne à venir : délivrée de la peur, atteindre 1’homme de la technique là où il est possible de le trouver, et dès lors s’unir, non pas contre, mais pour les hommes qui ne peuvent croire.

L’unité, espérance de vie, pp. 95-98…100-101.