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Décès de notre Père Jean Decovile

Homélie pour la messe des défunts du P. Jean

(mardi 30 octobre 2018)

Nous avons gardé les textes de la liturgie pour cette célébration car, pour un moine, c’est toujours la Parole de Dieu qui éclaire sa vie et non pas l’homme qui cherche dans la Parole ce qui lui plait ou ce qui l’arrange.

Le texte de saint Paul, dans la première Lecture, commence ainsi « Frères, par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres ». Pourquoi être soumis ? Pourquoi respecte-t-on le Christ lorsque l’on se soumet ?

Parce que celui qui donne sa vie au Christ, qui remet sa vie entre ses mains, ne peut pas prendre un chemin différent du chemin de son Maître. Tout au long de sa vie, le Christ n’a jamais cherché à se mettre en avant, il a accueilli les évènements, les personnes, les épreuves en cherchant en elles la volonté du Père pour s’y soumettre paisiblement et joyeusement. Soumis et libre à la fois, il dit de lui-même : « ma vie nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne ».

Le P. Jean quant à lui avait tellement peur de se tromper dans ses décisions qu’il hésitait beaucoup, de peur de se mettre en avant ou de trahir la volonté de celui qu’il aimait et servait. Il avait sa personnalité et ne donnait pas l’impression d’avoir abdiqué la liberté en vivant la soumission au Christ, à ses supérieurs et aux évènements. A l’image du Christ, il était à la fois profondément obéissant et profondément libre, car les deux ne s’opposent pas.

L’Evangile de ce jour  nous parle du Royaume de Dieu comme d’une graine de moutarde (la plus petite de toutes les graines) ou du levain caché dans la pâte. La graine de moutarde comme le levain ne se mettent pas en avant, ils disparaissent pour que la vie grandisse. Le Père Jean savait que ce qui est grand, ce qui a de l’avenir, ce qui est beau, c’est ce qui est petit. Il n’aimait pas les nouveautés, les grandes choses, les grands discours. Il préférait ce qui est humble, le discours des anciens, la théologie assurée, les choses simples. Il savait discerner ce qui est grand et vrai dans ce qui est petit. C’est ainsi qu’il a accompagné Monsieur Grégoire dans ses débuts de la fondation de saint Camille, qu’il a accompagné avec passion Jean Bagré dans l’œuvre de Petit Guiglo, et tant d’autres…

Il aimait la pensée de saint Thomas d’Aquin pour sa doctrine sur les anges. Il aimait souvent l’expliquer  dans ses homélies :  les anges ont été créés plus grands que les hommes, mais Dieu aime les hommes plus que les anges parce que les hommes sont faibles. Là est tout le problème du diable qui n’a pas supporté que l’homme qui lui est inférieur en dignité lui soit préféré par Dieu, d’où la doctrine de saint Thomas sur l’ange déchu.

Tout le Père Jean est là, dans son amour préférentiel pour ce qui est petit, caché, humble. Jeune homme, il a fait des études de philosophie à Paris qui l’ont intéressé, mais qui l’ont laissé sur sa faim, il est entré au Grand Séminaire mais son désir de mener une vie avec le Christ l’a conduit à partir en terre musulmane, à Toumliline, au Maroc. Il y a été heureux. Envoyé en Côte d’Ivoire, il a aimé cette petite communauté de Bouaké qui est devenue pour toujours son monastère, ses frères ; il l’a défendue de toute ces forces pour qu’on la laisse vivre. Parfois, il donnait l’impression de vouloir qu’elle demeure petite car elle lui semblait tellement belle dans sa fragilité, plus semblable à Dieu.

Il aimait sainte Thérèse de Lisieux et sa voie spirituelle : Thérèse, comme lui, ne croyait pas aux grandes choses, elle se sentait trop faible pour suivre le Christ par l’ascèse, elle préférait la grâce. Son biographe, l’Abbé Bellière rapporte de Thérèse cette phrase qui résume bien son chemin spirituel : « mon âme est appelée à s’élever vers Dieu par l’ascenseur de l’amour et non pas à gravir le rude escalier de la crainte. »

Franchement, soumission, humilité, amour de ce qui est petit et de ce qui est caché, ce ne sont pas là des traits qui correspondent à l’image que la société nous donne de l’idéal humain… et pourtant, lorsque ces traits apparaissent sur un cœur bon comme celui du P. Jean, lorsque ces traits apparaissent sur le visage souriant, malicieux, intelligent du Père Jean… on se dit, c’est lui qui a raison !

Merci Père Jean pour ce que tu as été, pour ta vie simple et belle, merci au nom de tous les frères de la communauté pour ces 35 ans de ta vie données à cette communauté de Bouaké ! Aujourd’hui, tu vis avec le Christ, tu es sûrement, nous le croyons, émerveillé de son amour, pacifié, heureux. 

Continue de veiller sur cette communauté, garde-nous unis, protège-nous de tout ce qui brille, de tout ce qui est artificiel, et garde-nous unis, miséricordieux et pleins de bonté les uns pour les autres !

P. Prieur