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Commentaire RB 3, 8-13

29 juin 2024.

8 Dans le monastère, aucun frère ne suivra le désir de son coeur à lui.

9 Et personne ne se permettra de s’opposer à son abbé avec orgueil, ni dans le monastère, ni en dehors.

10 Si un moine se le permet, on le punira selon la Règle.

11 Mais l’abbé, lui, fera tout en respectant Dieu avec confiance et il se soumettra à la Règle. Oui, c’est sûr et il le sait, il devra rendre compte de toutes ses décisions à Dieu, le juge parfaitement juste.

12 Quand il s’agit de choses moins importantes pour les besoins du monastère, l’abbé demandera l’avis des anciens seulement.

13 La Bible le dit : « Demande l’avis des autres pour toutes choses. Ensuite, quand c’est fait, tu n’as pas de regret » (Siracide 32, 24).

            Hier, le passage de la Règle se terminait ainsi « Tous suivront ce maître qu’est la Règle », aujourd’hui le texte continue avec ce verset : « Nul au monastère ne suivra le désir de son propre cœur ».

            Littéralement, le texte latin dit « la volonté de son cœur » (cordis voluntas).

            La volonté du cœur est pourtant souvent une bonne chose qui nous permet d’aimer les autres, de compatir aux souffrances des autres. Un homme dont le cœur est dur et qui se soumet à la Règle comme une machine ne ressemble pas au Christ dont le Cœur n’est qu’amour et compassion.

            Mais nous savons aussi que les volontés de notre cœur nous conduisent parfois loin du Christ, loin de l’amour des autres et nous replient sur nous-mêmes, sur nos volontés égoïstes. Nous savons aussi que les volontés du cœur sont parfois des chaînes qui entravent notre liberté profonde.

            Pour Benoît, la Règle, c’est l’Évangile mis en œuvre, ni plus ni moins. Suivre le Christ, suivre la Règle, c’est suivre le double commandement de l’amour : aimer Dieu, aimer ses frères, aimer ceux qui viennent au monastère, et les accueillir comme le Christ.

            S’éloigner de la Règle conduit à s’éloigner de l’amour et à se replier sur soi.

            Aussitôt après avoir dit cela, Benoît met en garde contre la critique vis-à-vis de l’abbé. Quel est le lien entre les deux choses ?

            Le rapport est tout naturel : lorsque j’ai envie de faire ce que je veux et que je sais pertinemment que je m’éloigne de ce que la Règle demande, de ce que vit la communauté… pour me justifier, je n’ai qu’une seule chose à faire, m’insurger contre la Règle, contre la discipline du monastère, et contre celui qui incarne l’autorité.

            Face à cela, Benoît met l’abbé en garde contre un danger, celui de réagir violemment contre ce frère par un excès d’autorité : « il devra rendre compte à Dieu de toutes ses décisions, lui, le très juste juge ».

            L’autorité de l’abbé bénédictin n’est ni le « laisser faire », ni l’intervention froide et légaliste de la justice humaine.

            Elle suppose la patience et l’écoute du frère (pas seulement l’écoute de ses paroles, mais aussi l’écoute de ses silences et de ses actes… pourquoi agit-il ainsi ? que puis-je faire pour l’aider ? comment l’aider ?).

            Rappelons-nous le contexte de ce chapitre 3, celui du chapitre conventuel… C’est après avoir dit que l’abbé décide en dernier lieu, que Benoît soulève ce problème de la révolte d’un frère.

            Les deux sont liés : en apprenant au jour le jour, à renoncer dans les petites choses à nos repliements sur nous-mêmes, nous apprenons la liberté qui nous rend capables de nous ouvrir à la parole des autres, aux décisions prises en communauté.