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Commentaire RB 2, 11-15

20 juin 2024.

11 C’est pourquoi, quand quelqu’un reçoit le nom d’« abbé » , il doit conduire ses disciples en les enseignant de deux façons :

12 Tout ce qui est bon et saint, il le montre par ses paroles, et encore plus par son exemple. Pour les disciples qui ont le coeur docile, c’est par ses paroles que l’abbé présente les commandements du Seigneur. Mais pour ceux qui ont le coeur dur et pour ceux qui comprennent moins bien, c’est par son exemple qu’il fait voir les commandements de Dieu.

13 Et quand l’abbé explique à ses disciples ce qui est mal, c’est aussi par son exemple qu’il montre qu’on ne doit pas le faire. Sinon, lui qui enseigne aux autres, il sera condamné (1 Cor. 9, 27).

14 Et s’il commet des péchés, un jour Dieu lui dira : « Tu récites mes commandements : mais pourquoi ? Tu parles de mon alliance : pourquoi donc ? Toi, tu détestes tout règlement. Tu jettes mes paroles derrière toi ! » (Psaume 49, 16-17).

15 Et aussi : « Tu remarques la paille dans l’œil de ton frère, mais tu ne remarques pas la poutre qui est dans le tien ! » (Matthieu 7, 3).

De même que les versets 4-10 sont reliés au début du chapitre 2 (versets 1-3) par le terme latin ideoque (c’est pourquoi), les versets 11-15 le sont pareillement aux versets 4-10 par le terme ergo (donc).

Nous avons vu que parce que l’Abbé tient la place du Christ dans la communauté (RB 2, 1-3), il doit s’effacer pour que le Christ apparaisse comme le seul et le véritable Maître de la communauté ; l’Abbé s’efface – comme le Christ s’est effacé – avec un seul désir : permettre à chaque frère de découvrir la paternité de Dieu, c’est-à-dire sa miséricorde et sa tendresse.

Il n’est pas là pour juger, punir, exercer une autorité brutale, mais pour permettre à chacun – à partir de la blessure de son péché et de la conscience de sa faiblesse – de faire l’expérience de la toute-puissance de la miséricorde de Dieu.

Peu à peu, il découvre que, grâce à son amour paternel, certains frères deviennent peu à peu capables de réaliser ce dont ils étaient incapables avant, à savoir obéir (c’est-à-dire faire confiance et s’abandonner à la volonté de Dieu paisiblement).

Ici, Benoît montre l’importance de l’enseignement de l’abbé qui s’exerce de deux manières : sa parole et sa propre vie.

Pour certains frères, la parole suffit à les ramener à l’expérience de la paternité de Dieu. Cela suppose que la doctrine de l’abbé soit humaine, soit un écho à ces versets de l’Évangile de Mat 11, 28-30 si chers aux moines : « Venez à moi vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau et moi je referai vos forces. Mettez-vous à mon école car je suis doux et humble de cœur ».

Pour d’autres frères, la parole quotidienne de l’abbé coule comme l’eau sur les plumes d’un canard.

Il ne reste alors son seul exemple personnel, c’est-à-dire sa manière de gouverner la communauté : à la fois humble et effacé comme le Christ, attentif aux frères, se refusant de les abandonner à leurs défauts, plein de miséricorde et en même temps exigeant, tout en sachant que lui-même est pécheur. Dans l’Évangile, seule la conscience d’être pécheur rend apte à être miséricordieux.

L’abbé n’est pas un saint, c’est un pauvre homme comme les autres que le Christ est venu sauver par son amour ; il le sait et il doit agir envers ses frères par sa parole et par ses actes comme le Christ lui-même a agi, avec une exigence évangélique, c’est-à-dire à la fois avec le courage d’intervenir dans la vie des frères et aussi avec une immense patience et une immense miséricorde.

Cette mission que Benoît confie à l’abbé est une mission impossible, qui le dépasse totalement. Ce n’est pas avec sa seule volonté humaine qu’il y parviendra, mais avec ce souvenir constant de sa propre misère qui enseigne les voies de la miséricorde.

Cette mission, c’est à chacun de nous que le Christ la confie : c’est ainsi que nous devons vivre les uns les autres, à la fois avec la conscience de sa propre misère et de la responsabilité des uns vis-à-vis des autres, et avec aussi l’expérience divine de la miséricorde et de l’amour patient.