1er juin 2024.
Jésus, dans le même chapitre de l’Évangile de Marc, a chassé les vendeurs du Temple. Son geste a provoqué la fureur des grands-prêtres et des scribes qui cherchent désormais comment le faire périr.
Le lendemain, il revient au Temple de Jérusalem. C’est, dans ce contexte, que les grands-prêtres, les scribes et les anciens, lui posent la question « Par quelle autorité, fais-tu cela ? ».
Et ce n’est pas un hasard, si les acteurs du débat d’aujourd’hui sont les mêmes que ceux cités lors de la première annonce de la Passion : Il faut que le Fils de l’homme […], soit rejeté par les anciens, par les grands prêtres et les scribes (8,31). Ce rejet a maintenant un motif : l’autorité même de Jésus.
Jésus sait que s’il leur dit, d’emblée, qu’il agit par l’autorité de Dieu, ils ne pourront pas entendre sa réponse. Il les renvoie à eux-mêmes en les interrogeant à son tour sur l’autorité par laquelle Jean-Baptiste agissait.
En leur posant cette question, Jésus fait appel à leur autorité, à leur compétence. Il met à l’épreuve ces autorités religieuses en les ramenant à Jean, sa prédication, sa mort mais plus particulièrement son baptême. Ces immersions pour la conversion et le pardon des péchés (1,4), qui attiraient les foules au Jourdain, étaient concurrentes des sacrifices d’expiation au Temple.
Jean a fait bien pire que chasser quelques marchands et marchandises ; son rite de baptême venait, pour ainsi dire, se substituer à l’autorité des grands prêtres.
A cet instant, le piège se referme sur ses détracteurs. Leurs hésitations révèlent leur péché et leur orgueil. Ils ne peuvent affirmer que le baptême de Jean soit l’expression d’une volonté céleste et divine. Cela serait renier l’exclusivité du Temple en matière d’expiation des péchés et reconnaître la vanité de ses sacrifices. Et, comme eux-mêmes le soulignent, ils avoueraient alors leur propre péché pour n’avoir pas mis leur foi en ce prophète, en toute connaissance de cause.
La logique et la sincérité devraient donc les orienter vers une réponse qui fait du baptiste et ses disciples un mouvement auto-proclamé, sans légitimité divine. Seulement, la haute considération du peuple envers Jean les en empêche. Ils ont peur de la foule. Leur autorité est mise à mal par leur crainte de déplaire. Leur honneur les oblige au mensonge et à l’hypocrisie.
Cet aveu d’ignorance est sans doute le seul moment de vérité dans leur bouche. Eux qui détiennent l’autorité officielle du Temple et une légitimité reconnue par tous, eux qui possèdent aussi la compétence, le savoir et l’expérience, eux ces grands prêtres, scribes et anciens, ne savent pas !
Ils ne savent pas prendre position vis-à-vis de Jean le baptiste et prophète. Ils ne savent pas qui est Jésus. Ce dernier ne leur dira rien, car il a déjà dit beaucoup et se révélera bientôt pleinement comme le fils bien-aimé livré aux mains des hommes. L’autorité de Jésus ne vient ni d’un Ciel inaccessible, ni de la mondanité des hommes, mais d’un divin Père.
Pourtant la réponse était là, sous leurs yeux et les nôtres surtout : Jésus marchait dans le Temple (11,27). Cette précision de Marc ne serait-elle pas l’évocation même de l’autorité de Jésus ? Malgré les nombreuses pérégrinations de son évangile, Marc use très peu du verbe marcher. Jésus marche ici comme il marchait sur la mer (6,48-49) et se révélait Fils de Dieu, maître de la Création, à qui la mer et le vent obéissent. Les pas de Jésus dans le Temple sont les pas de l’autorité qu’il tient du Père créateur.
Ce même créateur qui lui aussi marchait dans le jardin d’Éden après le péché du couple originel : « Or ils entendirent la voix du Seigneur Dieu qui marchait dans le jardin au souffle du jour. Et l’homme et sa femme se cachèrent devant le Seigneur Dieu parmi les arbres du jardin » (Gn 3,8).
Ainsi donc, au cours de cette marche de Jésus, ces autorités religieuses ont dévoilé leur culpabilité sous le feuillage des honneurs mondains, apparences bien vaines. Mais c’est aussi pour eux, que le Père a envoyé son fils, eux ces grands prêtres, gardiens de la vigne du Seigneur qu’est Israël. Ainsi, pour ces derniers, Jésus va développer sa réponse en une parabole (12,1-12) dénonçant ces vignerons homicides.
Le parallèle avec le récit de la Genèse ne se limite pas à la simple évocation de la marche de Jésus dans le Temple. Comme la révélation du péché d’Adam et Ève (Gn 3) se poursuit par le récit du meurtre d’Abel par Caïn (Gn 4,1-16), une parabole d’homicides (12,1-12) suit la révélation du péché des autorités du Temple (11,27-33). Dans cette logique comparative, l’éviction précédente des marchands et des changeurs (11,15-19) évoquerait l’épisode de la création du jardin (Gn 2). En chassant le commerce hors du Temple, Jésus réordonne, recrée le dessein du Père. Un Père pourvoyeur de pardon et de salut, envoyant son fils bien-aimé.
4 novembre