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Lundi de la 9ème Semaine du Temps Ordinaire (Mc 12, 1-12)

3 juin 2024.

Nous sommes au Temple, lors de la confrontation de Jésus avec la triade des grands prêtres, anciens et scribes. Jésus maintenant développe sa réponse, lui, qui n’a pas voulu leur révéler explicitement d’où il tenait son autorité (11,28).

Jésus livre à ses détracteurs cette parabole mettant en scène un homme, sa vigne pour laquelle il a tout fait et qu’il confie à des vignerons. À ce point du récit, l’image de la vigne est connue de ses auditeurs. Avec l’évocation de la tour et du pressoir, Jésus reprend les mots mêmes du prophète Isaïe : Que je chante pour mon ami, le chant du bien-aimé et de sa vigne : Mon bien-aimé avait une vigne sur un coteau plantureux. Il y retourna la terre, enleva les pierres et installa un plant de choix. Au milieu, il bâtit une tour et il creusa aussi un pressoir. Il en attendait de beaux raisins, il n’en eut que de mauvais (Is 5,1-2).

Tout correspond : un homme, qui met tout en œuvre pour sa vigne… Et logiquement, l’on s’attendrait – en suivant Isaïe – à une dénonciation de l’iniquité du peuple et son infidélité à l’Alliance : La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël, et les gens de Juda sont le plant qu’il chérissait. Il en attendait le droit, et c’est l’injustice. Il en attendait la justice, et il ne trouve que les cris des malheureux. (Is 5,7). Mais, la suite de la parabole de Jésus prend une autre tournure. Ce n’est pas le manque de fruits ou leur mauvaise qualité qui seront dénoncés, mais la cupidité des vignerons et cela indépendamment de la productivité de la vigne.

Comme pour le récit du figuier, la parabole de Jésus fait allusion à la récolte de fruits et à un temps favorable. Mais ici, le récit devient dramatique.

Aux mauvais fruits attendus traditionnellement, ce sont la violence et le meurtre qui sont décrits. D’abord rejetés, puis battus et enfin tués, les émissaires nombreux sont victimes des vignerons, sans aucune explication, pour le moment. La figure de ces serviteurs maltraités peut faire référence au sort dont furent victimes bien des prophètes depuis Jérémie, frappés et emprisonnés (Jr 37), et Isaïe, dont des traditions rapportaient son martyre, jusqu’à Jean le baptiste, vénéré par la foule du Temple et décapité par Hérode. Aucun de ces prophètes ne furent bien accueillis en leur propre patrie.

Mais qui se cache derrière la figure des vignerons ? Certes, plus loin, les grands prêtres, scribes et anciens vont s’y reconnaître. Mais à ce niveau du récit, Jésus oppose dans sa parabole deux catégories légitimées dans leur fonction par le même maître : les vignerons et les serviteurs. Et pourtant, l’usage de la légitime autorité des vignerons sur la vigne apparaît malhonnête et malfaisant. Comme toujours, une parabole est racontée pour nous surprendre. Et sans doute déjà nous interrogeons-nous : après tant d’émissaires battus et tués, que fait le maître de la vigne ?

La réaction du propriétaire apparaît irrationnelle. Après trois serviteurs bafoués, il en envoie toujours et jusqu’à son propre fils. Face à la culpabilité des vignerons, la parabole insiste en premier lieu sur la persévérance du Père qui ne cesse de vouloir être présent à sa vigne, à son peuple. Alors que les seules réponses des vignerons s’expriment en violence et en mort, le Père est patience, longanimité et espérance.

Ils respecteront mon fils. Telle est sa volonté. La relation, qui est mise en avant, n’est pas celle d’un propriétaire qui souhaite être rétribué, mais d’un Père espérant être reconnu dans une relation filiale. L’envoi de son fils veut ouvrir les vignerons à un autre mode de relation à leur Seigneur. Pourtant, leur conversion n’aura pas lieu. Leur réaction est tout autre. En tuant le fils unique, ils espèrent récupérer l’héritage. Leur raisonnement se situe uniquement dans une logique sacrificielle de rétribution et non dans une relation gracieuse.

Aussi, la mission du fils est mise en avant : il se fait serviteur de l’espérance du Père. Un fils bien-aimé envoyé par un Père trop aimant. L’autorité de Jésus ne peut être réduite à une fonction royale, messianique ou sacerdotale. Son autorité lui vient de l’amour du Père.

Ici, les vignerons demeurent ces spécialistes – de tout temps – en grappes et en lois, en vendanges et en sacrifices, en héritage et en rétribution, mais, hélas, aveugles et sourds à toute relation véritable envers le Seigneur de la vigne. Ils ont préféré éliminer le fils pour devenir propriétaire plutôt que de devenir fils, à l’image du bien-aimé, pour être héritiers de la grâce, en ce temps favorable.

La parabole se conclut par un jugement condamnant la culpabilité de ces vignerons et mettant fin à leur responsabilité sur la vigne. Elle est confiée à d’autres, c’est-à-dire à celles et ceux qui accueillent la grâce du fils bien-aimé et serviteur, envoyé et livré. Le temps des sacrifices du Temple laisse place maintenant à un nouveau Temple fait d’une pierre nouvelle.

C’est le Christ rejeté, jeté hors de la ville, qui deviendra l’œuvre essentielle du Seigneur, et non pas l’imaginaire d’une figure triomphante et acclamée royalement à son entrée dans la ville. La pierre que les spécialistes n’ont pourtant pas jugée acceptable pour leur construction, devient celle qui est maintenant, placée par Dieu, au plus haut et au plus visible (tête ou sommet), faisant à l’angle la jonction de deux murs, celui des païens et celui des juifs, ou des justes et des pécheurs, des impurs et des pieux. Ainsi, le rejet du Christ et sa Croix, rendent manifeste l’œuvre du Salut de Dieu, offert gracieusement à tous ceux qui croient.