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Cœur Immaculé de Marie (Lc 2, 41-51)

8 juin 2024.

Après la présentation au Temple, le récit de l’évangéliste Luc, nous fait revenir au Temple, avec, une seconde fois, Jésus et ses parents. La scène vient conclure les récits d’enfance en nous faisant entendre les premières paroles d’un jeune Jésus – qui n’est plus ce nouveau-né d’hier.

Ne faisons pas trop vite de cette scène la bar-mitsva de Jésus. Rien n’exprime cela dans le texte, bien au contraire. Sa présence dans le Temple n’est pas liée à un rite d’initiation. Jésus est présenté comme un jeune pèlerin venu avec ses parents célébrer la Pâque à Jérusalem.

Jésus a douze ans et cet âge porte en lui une double signification. Le chiffre souligne la maturité de celui qui n’est plus tout à fait un enfant et se rapproche de l’âge adulte. De même, le chiffre douze comporte aussi une symbolique qui renvoie à l’accomplissement des douze tribus d’Israël, espéré avec l’avènement du royaume de Dieu.

Dans un premier temps, Luc situe Jésus dans la continuité de sa famille : il vient avec eux, suivant la coutume. Le récit précédent nous avait présenté les parents de Jésus en insistant sur leur piété juive, accomplissant tous les rites de la Loi lié à la naissance, et accomplissant, maintenant, leur pèlerinage annuel à Jérusalem à l’occasion de la fête de Pâque.

Jésus a tout pour mettre ses pas dans ceux de sa famille… jusqu’à ce que la fin de la fête s’ouvre sur une autre perspective : Jésus ne suit plus ses parents et reste, de sa propre autorité, à Jérusalem. Une rupture s’annonce.

L’ensemble du récit est marqué par le vocabulaire de la Résurrection et notamment celui du récit des pèlerins d’Emmaüs (Lc 24,13-35). Ainsi, la scène se déroule à Jérusalem (24,33) et Luc fait référence à la fête de Pâque (22,15), on cherche Jésus (24,5) sur le chemin (24.32.35), et on le retrouve (24,33) au bout de trois jours (24.21).

Dans le récit d’Emmaüs, nous entendrons aussi les verbes retourner (24.32), monter (24.38) et comprendre (24,45). Et comme, Jésus se tient au milieu des docteurs de la Loi, Jésus se tiendra au milieu des disciples (24,36). De même, l’annonce de la résurrection extasie les disciples d’Emmaüs, comme les paroles de l’enfant au sein du Temple.

Le récit dit, traditionnellement, de la « fugue » de Jésus anticipe déjà l’annonce de la Résurrection et de la glorification auprès du Père.

La fugue de Jésus, n’est pas dû à la négligence de Marie et de Joseph. De même, tout comme au tombeau vide, l’absence de Jésus n’est pas le fait d’un égarement accidentel. Le texte insiste sur ce dessein volontaire de Jésus mettant ses parents dans l’embarras, tout comme le seront les disciples après la découverte de l’absence du corps au tombeau. Mais cette « fugue » permet aussi de retrouver Jésus autrement, sur une autre voix que la leur. Car Jésus est celui qui se présente, ici, comme le porteur d’une parole, de La Parole. Et cette voix mène d’abord au Père comme l’indiquera la suite du récit.

Le jeune Jésus est assis au milieu des docteurs de la Loi. Cette position est celle d’un maître enseignant ses disciples. La présence de Jésus vient ainsi bouleverser l’ordre habituel, coutumière, des choses : un enfant enseigne et interroge les docteurs de la Loi, appelés aussi scribes, spécialistes des Écritures. Ces derniers s’extasient. La scène exprime davantage l’incompétence de ces derniers qui ont tout à recevoir du Christ. Plus que ses réponses (dont nous ne savons rien), Luc montre combien le Christ est, en sa personne, le véritable interprète de la Loi et des prophètes.

On pourra remarquer qu’avec le passage précédent (Présentation au Temple, 2,22-40), le nom de Joseph n’est pas cité. Cette fois, le nom de la mère, Marie, est également omis. Luc les désigne par leur rôle : père et mère, pour accentuer le malentendu avec son Père.

Dans ce récit, Luc développe le motif de l’absence. Père et mère souffrent en le cherchant. L’enfant semble avoir abandonné ses parents à leur douleur : pourquoi nous as-tu fait cela ?

Bien évidemment, comme pour tous les récits d’enfance, Luc ne raconte pas un fait avec ses détails historiques. La question des parents est d’abord celle de chrétiens ou de communautés chrétiennes qui « souffrent » de ne plus avoir le Christ à leurs côtés, notamment dans les épreuves et les persécutions. Si Jésus se révèle être Christ et Fils de Dieu et, surtout, s’il révèle les temps derniers, pourquoi n’est-il pas encore présent, au milieu d’eux, dans sa gloire ?

La parole de l’enfant Jésus est destinée à leur répondre. L’absence n’est pas un abandon mais le signe de sa glorification auprès du Père.

L’ensemble de la mission et du ministère de Jésus est donc orienté vers ce divin Père qu’il révèle et vers lequel il se dirige. Mais pour le comprendre, il faudra cheminer encore avec Jésus, jusqu’à sa Passion et sa résurrection, ce que souligne l’incompréhension des parents.

Après cette montée à Jérusalem (2,42), nous descendons à Nazareth. Luc montre, une fois encore, le dessein volontaire de Jésus qui descendit avec eux. Cette descente reprend le thème de l’incarnation : Jésus quitte le sommet du Temple pour la petite bourgade galiléenne.

Ce déplacement s’accompagne également d’un certain abaissement. L’enfant qui, précédemment, faisait l’admiration des intellectuels, se soumet à ses parents, dans cette humilité qui, déjà, révèle celle de Dieu. Tout est suggéré et tout sera révélé à l’occasion de la Passion et de la Résurrection.

La mère garde dans son cœur ces événements. Dans le langage biblique, le cœur est le siège du discernement et de la raison. Avec Marie, c’est aussi tout Israël (mère symbolique du psaume 86/87), qui devra accueillir l’inattendu du Christ. L’enfant devient, à Nazareth, lieu quelconque et humble, témoin de la grâce et de la sagesse divine. Il est ainsi placé, comme médiateur unique, et devant Dieu, et devant les hommes.

La remarque est d’autant plus étonnante et inattendue, que le lieu qui aurait pu unir les hommes à Dieu n’est plus le Temple à Jérusalem, mais Jésus de Nazareth, Christ de Dieu. Les docteurs de la Loi sont laissés à leur ignorance, tandis que la sagesse et la grâce sont livrés à la révélation du peuple.

Luc reprend ce contraste que nous pouvons observer entre l’annonciation à Zacharie (1,5-25 au Temple) et celle à Marie (1,26-38 à Nazareth). De même, ce lien qui unit le Père aux humbles, en Christ, fait aussi écho à l’annonce faite aux bergers de la campagne par les anges célestes (2,8-14).

Et le ciel s’ouvrira encore, au Jourdain, inaugurant le ministère de Jésus.