03 août 2024.
Commentaire RB 5, 13-19
13 Oui, c’est sûr, ces moines imitent le Seigneur qui dit : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m’a envoyé » (Jn 6, 38).
14 Pour que cette façon d’agir soit agréable à Dieu et douce aux hommes, il faut faire ce qu’on ordonne sans peur, sans retard et sans mollesse, sans murmurer et sans refuser.
15 En effet, obéir aux supérieurs, c’est obéir à Dieu. Il a dit lui-même : « Celui qui vous écoute, c’est moi qu’il écoute » (Lc 10, 16).
16 Et cette obéissance, les disciples doivent l’offrir de bon coeur. Oui, « Dieu aime celui qui donne avec joie » (2 Co 9, 7).
17 C’est pourquoi le disciple qui n’obéit pas volontiers, qui non seulement murmure en paroles mais même dans son cœur,
18 celui-là ne plaît pas à Dieu. Il fait peut-être ce qu’on lui commande, mais Dieu voit son coeur qui murmure.
19 Et pour cette action il ne reçoit aucune récompense. Au contraire, s’il ne se corrige pas et ne répare pas sa faute, il mérite d’être puni comme ceux qui murmurent.
J’obéis parce que j’aime le Christ.
Après avoir vu que le moine obéit pour imiter le Christ obéissant, je voudrais ce matin méditer avec vous le fait que le moine obéit parce qu’il cherche le visage du Christ et qu’il désire accomplir sa volonté. Aujourd’hui, le Christ est présent dans le monde par l’entremise de son Corps, celui de l’Église, celui de ma communauté, celui des frères qui la composent et qui tiennent la place du Christ (Celui qui écoute le frère, écoute le Christ).
Si saint Benoît est le premier législateur monastique à avoir déclaré que l’abbé tient la place du Christ et à lui avoir appliqué la sentence lucanienne « qui vous écoute m’écoute », il est aussi celui qui a inventé le chapitre conventuel pour que tous les frères puissent donner leur avis : l’abbé a besoin de nous pour connaître la volonté de Dieu ; il est aussi le premier à avoir demandé que les frères expriment à l’abbé leur désaccord sur une décision qui leur paraîtrait injuste, inhumaine ou trop dure pour eux – l’abbé peut donc se tromper ! –.
L’abbé a besoin de la parole de ses moines, de tous ses moines (et pas seulement de quelques frères du Conseil) pour connaître la volonté de Dieu. L’abbé ne sait pas tout et la Règle lui demande de discerner ce qui convient, seulement après avoir écouté ses frères, tous ses frères.
Ce n’est donc pas l’abnégation et l’écrasement que prône Benoît lorsqu’il parle de l’obéissance, mais la confiance. Benoît n’idéalise pas plus la personne de l’abbé que l’accomplissement de sa charge, mais il convie le moine à croire en l’au-delà des choses, à percevoir le mystère de Dieu sous les traits de la pauvreté de l’humanité (celle de son abbé qui a des défauts, comme celle de ses frères). Seule la foi permet la véritable obéissance, celle du Christ ; car seule la foi permet l’amour. Seul le regard de foi permet de mener en vérité la vie commune.
Benoît au chapitre V rattache l’obéissance au supérieur à l’obéissance à Dieu. Au chapitre LXXI, il invite à s’obéir les uns les autres et il renvoie à l’obéissance tout court. Il n’existe pas cinquante obéissances, il n’y en a qu’une et le moine qui croit accomplir effectivement la volonté de Dieu en obéissant à son abbé, qui porte sur lui un regard lucide, mais un regard de foi, un regard d’attente spirituelle, ce moine est capable d’aimer tous ses frères et de leur obéir ; il se laisse rejoindre par Dieu à travers les relations fraternelles. L’obéissance est mutuelle car Dieu parle à travers chaque frère.
Telle est l’obéissance voulue par Benoît. Elle est due à Dieu, elle passe par des pauvres hommes, l’abbé et tous les frères, qui ne doivent jamais oublier leur misère pour ne pas écraser le roseau froissé.
29 août