5 juin 2024.
Dans l’Évangile de Marc, après le groupe des pharisiens et hérodiens, se présente maintenant celui des sadducéens. Parti religieux, les sadducéens regroupent, pour l’essentiel, des familles sacerdotales. Il n’est donc pas étonnant de les rencontrer dans ce Temple dont ils ont la charge.
Pour la première fois est soulevée, de manière formelle, la croyance en la résurrection. Mais que vient faire cette réflexion particulière, ici et à ce moment ? Rien dans le contexte ne nous préparait à une telle question. Jusqu’ici le récit de Marc n’a fait allusion à une résurrection qu’à propos de celle de Jésus. Un autre point surprenant est la mention de la loi léviratique qui oblige un homme à susciter une descendance pour son frère, mort sans enfant, en s’unissant à sa veuve (Dt 25,5-10).
La résurrection des morts est ici liée à l’autorité de la Loi. Les sadducéens fondent leur théologie sur la Torah seule – alors que les pharisiens intègrent à leur foi les livres prophétiques, d’autres écrits et leurs propres traditions. Or, dans la Torah – confiée à Moïse par Dieu – il n’est pas question de résurrection des morts. Les sadducéens en nient donc l’existence à l’inverse des pharisiens qui s’appuyaient sur des textes comme Isaïe, Ézéchiel ou les livres des Martyrs d’Israël.
En faisant appel à l’autorité de la Loi de Moïse, les sadducéens veulent remettre en cause la compétence du maître concernant le domaine discuté de la résurrection des morts. S’il faut rendre à Dieu ce qui est à Dieu, y a-t-il à espérer de lui une résurrection ? de quelle manière ?
Car Jésus en appelle à Moïse, la référence des sadducéens. Ainsi, il leur prouve sa maîtrise des livres de Moïse. Jésus ne regarde pas la résurrection comme une question tournée uniquement vers la fin. En prenant appui sur le récit du buisson, Jésus pointe l’origine, celle de la révélation de Dieu à Moïse (Ex 3). La Torah présente déjà ce dessein de Dieu en faveur d’une résurrection. Il se donne à voir et à entendre comme étant le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Certes, aux yeux de tous, ils sont morts avant Moïse. Mais, selon Jésus, en se réclamant de ces patriarches, le Seigneur se manifeste comme Dieu porteur d’une promesse de Vie. Il ne saurait être un Dieu des morts.
Contre les maris défunts sans descendance, Jésus offre la triple figure des patriarches : Abraham, Isaac, Jacob. Il rappelle combien, dans le récit de la Genèse, la puissance de Dieu donne vie malgré la conception des hommes. À Dieu tout est possible (10,27). Ainsi, n’a-t-il pas donné à Abraham et Sara âgés une terre et une descendance (Gn 21), des jumeaux à Rebecca, épouse stérile d’Isaac (Gn 25,21), et un retour en grâce au paria Jacob (Gn 27-28), père des douze tribus d’Israël ?
Ces trois patriarches montrent combien Dieu donne vie au-delà de l’entendement humain. Moïse lui-même n’est-il pas le témoin de l’œuvre de Dieu, faisant sortir son peuple de la servitude égyptienne et le sauvant d’une mort certaine (Ex 14) ? La résurrection ouvre les vivants à la vraie postérité, qui ne se réduit pas à un au-delà.
Ainsi, Jésus offre une autre compréhension de la résurrection qui ne s’intéresse pas au comment. Sa réponse sur la résurrection des morts met en avant les vivants depuis l’origine. Ainsi, elle n’est plus déterminée en termes de fin, de lieu et de liens maritaux pour les uns ou les autres. Elle devient le dessein même de Dieu pour tout son peuple, au sein d’une Alliance éternelle déjà conclue avec Abraham et Moïse. Elle est puissance créatrice et salvatrice de Dieu, pourvoyeur de vie, qui n’abandonne pas sa création à la dégradation, à l’esclavage, ni à la mort. Le Christ redéfinit la compréhension de la résurrection, non seulement en cet endroit, mais depuis son origine jusqu’à la croix et au matin de Pâques.
5 novembre