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Solennité de saint Benoît (Lc 22, 24-27)

11 juillet 2024.

Dans l’Evangile d’aujourd’hui, Jésus nous met en garde contre la tentation de dominer les autres par le pouvoir spirituel : « Pour vous, rien de tel ! Au contraire, que le plus grand parmi vous devienne comme le plus jeune, et le chef, comme celui qui sert (…) Moi, je suis au milieu de vous comme celui sert ».

Il est possible de dominer les autres par les dons spirituels. Or, dans la tradition monastique, le moine fuit le merveilleux et la célébrité comme la peste car il sait bien qui il est, un pauvre homme.

Seul le moine faible et qui mène le combat pour s’attacher à demeurer dans la présence de Dieu permet à l’Esprit de Dieu d’agir en lui parce qu’il est humble : la Parole de Dieu le « touche » dans son intelligence et dans ses sens, lui donne de se comprendre et de se connaître tel qu’il est avec les yeux de Dieu, de connaître pareillement ses frères par un regard qui les transfigure, et de comprendre et de discerner toute situation avec le même regard.

Notre monde et même plusieurs chrétiens dans notre Église recherchent les phénomènes spirituels extraordinaires. Or, parfois, comme pour Benoît, le moine peut avoir certaines visions spirituelles. De quoi s’agit-il alors ? Lorsque ces phénomènes sont authentiques, Dieu se saisit alors de la pauvreté d’un homme ou d’une femme qui s’abandonne entre ses mains pour lui manifester ce qu’il est, et le lui communiquer. Cette expérience est souvent décrite sous le mode de la lumière. Elle est une vraie connaissance de ce qu’est Dieu, purement gracieuse, totalement gratuite et souvent temporaire.

Ceci dit, ces « phénomènes » spirituels et ces charismes particuliers sont très secondaires et ne sont jamais désirés ou recherchés pour eux-mêmes par les moines.

Les charismes spirituels particuliers ou les voies particulières de sainteté ne sont pas un but poursuivi dans la vie monastique.

Parce que le seul maître véritable est le Christ, qualifié dans la tradition monastique de « Philosophe (l’amant de la Sagesse)», le moine imite son mode de vie en ayant la Sagesse pour maîtresse. Il n’est pas un « autre » christ, mais un témoin de sa puissance. Le Christ ne le place pas dans une situation de héros, mais plutôt d’homme libre.

Ce qui est important, ce ne sont donc pas les charismes et les dons particuliers du moine ou du chrétien, mais bien plutôt cette capacité à être homme, véritablement homme, mais homme à l’image et à la ressemblance de Dieu.

Si ces « phénomènes » semblent des atouts pour nos contemporains, ils sont toujours pour les anciens des objets de méfiance. La tradition monastique met en garde contre un moine qui chercherait à conduire les autres, et qui aspirerait à être un père spirituel.

En aucun cas, les charismes personnels ne peuvent remplacer le dialogue, l’écoute, la confiance mutuelle. Le disciple ne choisit pas son maître en raison de ses charismes, mais uniquement en fonction de son aptitude à regarder son frère dans la lumière de Dieu.

Benoît avait le cœur pur, c’est pour cela qu’il a su conduire les hommes à Dieu. C’est ce mystère de la pureté du cœur auquel nous invite la vie monastique que nous célébrons aujourd’hui.

La pureté du cœur que nous recherchons nous permet de vivre ensemble, non pas dans la jalousie et la rancune, mais dans l’action de grâces.

Aucun de nous ne possède tous les dons, mais il est possible à chacun de nous de reconnaître comme sien dans mon frère ou dans ma sœur tous les dons que Dieu fait à l’Eglise.

Le Seigneur a donné des dons à chacun, mais le don qu’il donne à un frère ou à une sœur, il le donne à toute la communauté : celui-ci a le don d’écouter longuement des personnes en peine, celui-ci a le don de sourire à des inconnus, celui-ci a le don de se taire et d’être silencieux, et même celui-ci a le don de parler à tout le monde et celui-ci a le don de servir avec joie, de proposer son aide, celui-ci travaille d’arrache-pied pour que la vie quotidienne tourne sans problèmes, et que nous puissions tous revêtir des habits propres, nous mettre les pieds sous la table, être en règle avec les impôts et l’administration.

En raison du corps que forme la communauté, toutes ces fonctions, et surtout les vocations qui me sont le plus contraire, s’inscrivent chaque jour un peu plus dans ma chair personnelle, et ce d’autant mieux que je les reconnais comme belles et que j’en rends grâce.

Alors il ne s’agit plus de dénigrer ce qui est différent de moi, mais de m’en réjouir. L’oreille doit se réjouir de l’œil, et la grosse tête immobile et bien-pensante est heureuse qu’il y ait dans la communauté des pieds rapides et des mains habiles. Quels dons mutuels nous sommes les uns pour les autres, si seulement nous ouvrons un peu les yeux !

La prière est le signe silencieux du rassemblement de toutes ces différences humaines, de toutes ces espérances, et même de toutes les défaillances personnelles. Et notre prière la plus large est celle qui nous unit le plus visiblement à celle du Christ : l’Eucharistie.