18 juin 2024.
Jésus cite ce verset du Lévitique qui, dans le texte, n’implique pas la haine de l’ennemi :
Lv 19,18 Tu ne te vengeras pas et tu ne garderas pas de rancune envers les enfants de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis le Seigneur.
Il faut entendre le mot « prochain » au sens où on le comprenait à l’époque de Jésus et du rédacteur de l’évangile. Le « prochain » est celui qui m’est proche parce qu’il appartient au même clan religieux que moi (juif ou même pharisien, puis chrétien). Il est mon prochain du fait que je peux partager un repas avec lui, prier avec lui… A l’opposé, celui qui est l’ennemi, est haïssable puisqu’il veut détruire le ‘clan’ auquel on appartient.
Mais si l’interprétation des pharisiens et des rabbins consistaient à se demander « qui est mon prochain ?» (Lc 10,29), Jésus revient à l’essence de la Loi en mettant en exergue le verbe aimer à l’impératif : tu aimeras.
Ce dernier n’a plus de limite, et dans la logique précédente, il devient un acte prophétique destiné aussi aux ennemis et aux persécuteurs.
Jésus vient révéler le sens profond de la Loi qu’il donnera pleinement à voir lors de sa Passion. L’agir du croyant est ainsi à l’image de l’agir de Dieu qui persiste à faire lever son soleil sur les bons – et même oh horreur ! – sur les méchants, comme le disciple brille aux yeux du monde, telle une lampe, telle la saveur d’un sel (Mt 5,13-14).
Ramener l’humanité au bien, au bon… à Dieu, tel est le sens théologal de la Loi, loin du désir d’une justice vengeresse.
Pour Jésus, la visée de la Loi consiste à faire naître les disciples en vrais « fils » du Père, d’entrer avec le Seigneur dans une relation filiale et avec le monde dans une relation fraternelle sans mesure.
Dans ce chapitre de l’évangile de Matthieu (Mt 5), la Parole de Jésus fait entendre bien plus qu’une interprétation de la Loi de Moïse. Jésus se présente comme celui qui lui donne sens et lui donnera sens par sa vie donnée à la croix en y révélant ainsi le vrai visage du Père, “Notre Père”. C’est ce Père parfait en amour que nous donne à voir la parole de Jésus :
Mt 5, 48 Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait.
Si Dieu Père offre le bonheur (Heureux êtes-vous), s’il fait entendre sa Loi (Il a été dit…), c’est pour entraîner son peuple à sa suite et dans son royaume, c’est-à-dire dans son champ d’action bienfaisant.
C’est ainsi qu’en Matthieu, la prière du Notre Père (Mt 6,9-13) sera le cœur, l’organe vital, de l’enseignement de Jésus lors de ce discours sur la montagne. C’est ce Père céleste et parfait, que par toute sa vie jusqu’à la croix, jusqu’au tombeau vide, Jésus manifestera au monde.
La Loi que Dieu donna à Moïse invite, selon Jésus, à ce décentrement nécessaire (on peut parler de conversion) pour accueillir le royaume du Père pour le bien du monde, comme il l’énoncera un peu plus loin, dans ce qu’il est convenu d’appeler « la Règle d’or de l’Évangile » :
7 , 12 « Ainsi, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : c’est la Loi et les Prophètes.
8 Août