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09 septembre 2024.

Lundi de la 23ème semaine du TO

Lc 6, 6-11

Le thème du sabbat a été introduit lors de l’épisode précédent, des épis froissés (6,1-5). J’ai fait remarquer que ces deux passages éclairaient le rapport de Jésus au sabbat à partir des deux décalogues. La scène champêtre et agraire des disciples (6,1-5) pouvait faire écho au repos du Créateur (Ex 20,10). Cette fois-ci, la guérison d’un homme à la main sèche évoquerait davantage, le lien entre le sabbat et le Dieu sauveur qui a délivré son peuple de l’oppression égyptienne (Dt 5,14).

Le texte de Luc ajoute qu’il s’agit de la main droite. Pourquoi une telle précision que l’on retrouvera également à propos de l’oreille coupée lors de l’arrestation de Jésus (Lc 22, 50) ? La précision n’est pas anodine. Il ne s’agit pas d’opposer droite et gauche sur le plan bon et mauvais. Cependant, le côté droit, le côté du cœur, siège biblique du discernement, est souvent avantagé. La main droite sert à la bénédiction de l’aîné (Gn 48,18). Lors du rite d’ordination du grand prêtre, celui-ci est marqué par le sang du sacrifice depuis l’oreille jusqu’au pied (Lv 8,23). Le roi-messie est invité à siéger à la droite du Seigneur (Ps 110,1). Etc.

On peut ainsi, au sein de ce contexte, comprendre que la mention de la main droite souligne le grand handicap de l’homme, dont la main qui sert, symboliquement, à servir la volonté de Dieu est sèche, paralysée, incapable d’agir pour la bénédiction et le bien.

Le miracle intéresse peu. Les pharisiens n’attendent pas de voir l’action merveilleuse de Jésus : ils en sont même convaincus. Cependant, leur intérêt se porte sur le moment de la guérison. Leur présence n’attend pas une preuve miraculeuse, mais un motif d’accusation. La guérison, fut-elle miraculeuse ou non, est, ici, associée à la personne du guérisseur : Jésus. Le fait de guérir peut effectivement être considéré comme un travail, une activité qui viendrait contredire l’obligation de repos ce jour de sabbat. Le péché serait alors plus flagrant que quelques épis froissés (6,1-5). Si Jésus, lui-même, ne respecte pas le sabbat, comment alors pourrait-il être considéré comme un envoyé de Dieu, lequel a institué le sabbat et ses préceptes donnés à Moïse ? Guérir un jour de sabbat équivaudrait alors à contredire la volonté de Dieu, et son titre de maître du sabbat.

Jésus était le point de focalisation des pharisiens et de leurs scribes lesquels attendent une erreur manifeste de sa part. Va-t-il faire un acte de guérison un jour de sabbat ?

En faisant venir l’homme au centre, debout, Jésus déplace la question de l’acte à celle de la personne. D’objet et de prétexte, l’homme à la main sèche devient sujet.

Jésus place le malade au centre. Il lui donne non la place de l’accusé, mais la première place, au centre de la synagogue, une place de maître pour cet homme marqué par la maladie. La parole de Jésus est, elle aussi, au centre. Par sa parole, Jésus remet déjà debout cet homme, comme par anticipation.

L’évangile met en lumière un autre déplacement. Du point de vue des pharisiens, la question du sabbat s’articule sur les notions d’activités obligatoirement chômés (ne pas faire). Jésus déplace ce point de vue légaliste vers un sens plus fondamental : sauver ou perdre. Ainsi, Jésus ne se présente pas comme un guérisseur, mais comme celui qui ouvre à un salut. Il redonne ainsi sens au sabbat, lié la libération des hébreux (Dt 5,14) : un sens profondément eschatologique, signifiant l’avènement du Règne de Dieu.

Ainsi, le sabbat du Fils de l’Homme ne résume pas à une alternative légaliste entre le permis ou l’interdit, ni entre le faire ou le non-faire, mais exprime la volonté d’agir : faire le bien ou faire le mal : l’inaction légaliste du sabbat reviendrait à agir pour le mal et à perdre une vie. A l’inverse, l’action sabbatique représente le Salut, le bien-faire.

Ainsi la guérison de l’homme, par Jésus, n’est pas un acte thérapeutique qui entrerait en contradiction avec la Loi sur le sabbat. Elle exprime l’avènement du Règne de Dieu et de son messie !

Le maître du sabbat ne vient donc pas supprimer ou entrer en contradiction avec la Loi sur le septième jour. Il lui redonne sens et l’ouvre à une dimension eschatologique.

La guérison de l’homme aurait bien pu attendre le lendemain. Mais, c’est l’aujourd’hui du salut, si cher à Luc, qui s’exprime, à travers celui qui se présente comme Fils de l’homme et maître du sabbat. Un sabbat qui, désormais, exprime l’avènement du règne de Dieu, créateur et sauveur. La guérison de l’homme comporte ainsi ses deux dimensions. Elle est une œuvre de salut : l’homme est guéri de son mal, mais aussi une œuvre créatrice : sa main est redevenue normale. L’homme a retrouvé son intégrité de créature, jusqu’à sa main droite pour agir selon le dessein de Dieu.

On peut se demander pourquoi les pharisiens sont remplis de fureur. La guérison est explicite et pourtant ils n’accusent pas Jésus de contredire le sabbat.

En réalité, Jésus ne s’est pas pris à leur jeu. Ils attendaient une guérison, et certes elle eut lieu. Cependant, Jésus n’a rien « fait ». Dans le texte, Jésus n’agit que par sa parole. Le sabbat n’interdit pas de parler.

Depuis le début, l’homme a la main sèche a agi à l’écoute de la Parole de Jésus. Il s’est levé et s’est placé au milieu, comme Jésus le lui a demandé. De même, il étendit la main comme Jésus le lui demanda :  il le fit.

Objectivement, Jésus n’a fait aucun geste et ne s’est pas mis en contradiction avec la Loi, tout en exécutant, par sa seule parole, son déploiement eschatologique : sauver une vie.

A l’inverse, le verbe « faire » s’applique, en ce jour de sabbat, aux accusateurs qui cherchent à savoir ce qu’ils feraient à Jésus. L’expression de ce faire s’oppose au « bien faire » de Jésus. En ce sabbat, leurs pensées orientées vers un mal les mettent en contradiction avec le sens du sabbat.