8 février 2025.
Commentaire RB 65, 11-22
11 C’est pourquoi, voici notre avis : pour garder la paix et l’amour, l’abbé doit organiser lui-même son monastère comme il le juge bon.
12 Dans la mesure du possible, ce sont les doyens qui dirigent tous les services du monastère en suivant les ordres de l’abbé. Nous avons déjà réglé cela plus haut.
13 Ainsi, comme il y a plusieurs responsables, un seul ne peut pas en tirer de l’orgueil.
14 Mais il peut arriver que la situation exige un second, ou bien que la communauté en demande un, avec raison et humilité, et que l’abbé juge cela utile.
15 Alors il choisit le frère qu’il veut, avec le conseil des frères qui respectent Dieu avec confiance, et c’est lui-même qui le nomme second.
16 Le second, lui, fait avec respect ce que son abbé lui commande. Il ne fait rien contre la volonté ou contre les ordres de l’abbé.
17 En effet, plus il est placé au-dessus des autres, plus il doit pratiquer avec soin les commandements de la Règle.
18 Mais si le second se montre mauvais, ou s’il se laisse tromper par l’orgueil et devient fier, ou encore si on constate chez lui du mépris pour la sainte Règle, on l’avertira en paroles jusqu’à quatre fois.
19 S’il ne se corrige pas, on le punira comme la Règle le demande.
20 Si malgré cela, il ne change pas, on lui enlèvera sa charge de second et on mettra à sa place un frère qui a les qualités nécessaires.
21 Ensuite, s’il ne se tient pas tranquille et s’il n’obéit pas dans la communauté, on le chassera du monastère.
22 Mais l’abbé pensera qu’il rendra compte à Dieu de toutes ses décisions. Sinon, le feu de l’envie et de la jalousie risque de brûler son cœur.
Hier, à propos du début de ce chapitre 65, je soulignais un élément de base dans la résolution des conflits : savoir regarder, assumer et gérer ses propres conflits internes qui ont toujours des interactions dans les conflits avec les frères qu’on s’en rende compte ou non.
Plus nous chercherons à pacifier notre cœur, nos pensées et nos désirs, plus nous serons des hommes pacifiant autour de nous. C’est le premier combat du moine : « Poursuis la paix, recherche là … »
Ce matin, Benoît indique une autre piste de travail, plus directement adressée à l’abbé : elle regarde l’organisation du monastère. Pour Benoit, sauvegarder la paix et la charité n’est pas une des moindres missions de l’abbé dans le monastère. Il la facilite en réglant l’organisation des charges, ici du prieur (ou du sous-prieur), mais aussi de la vie quotidienne avec justice. Benoit note aussi l’importance du rôle des doyens (des frères du Conseil). La consultation et l’écoute de la communauté facilite une bonne organisation de la vie communautaire.
En a-t-on fini pour autant avec « la sauvegarde de la paix et de la charité », quand on a bien organisé le monastère ? Non car la meilleure organisation ne sera jamais parfaite. Elle pourra parfois susciter des frustrations ou des insatisfactions, liées aux faiblesses humaines ou aux lenteurs inévitables. Elle n’empêchera pas les inévitables frottements et les conflits petits ou grands. Comment alors demeurer dans la paix et dans la charité ? Ici Benoit parle de l’élèvement ou de l’orgueil qui peut guetter le sous-prieur, mais aussi de l’envie ou de la jalousie qui peut brûler l’âme de l’abbé ou du prieur. Ce réalisme des écueils toujours possibles peut nous renvoyer chacun à notre travail intérieur de vigilance pour ne pas laisser les pensées mauvaises et troublantes nous envahir. La « sauvegarde (custodia) de la paix et de la charité » n’est pas sans rappeler « la garde des pensées ».
La question nous est posée : Quand nous voyons le vent venir, celui des pensées troubles qui commencent à nous envahir, allons-nous lui ouvrir la porte et les fenêtres de notre cœur ? Allons-nous le laisser nous habiter, ou bien allons-nous lui interdire l’accès ?
Je cite ici un apophtegme qui nous dit ce combat : Certains demandèrent un jour à abba Sylvain : « Quel genre de vie as-tu pratiqué pour obtenir cette sagesse ? ». Et il leur répondit : « Jamais, je n’ai laissé pénétrer dans mon cœur une pensée attirant la colère de Dieu ».
8 janvier