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05 septembre 2024.

Jeudi de la 22ème semaine du TO

Lc 5, 1-11

Ce qui d’emblée peut nous surprendre, c’est le rapprochement, voire l’identification, entre Jésus et la parole de Dieu. L’empressement de la foule ne tient pas aux signes et miracles précédents mais à la parole de Dieu provenant de Jésus. Nous le devinions déjà : le Nazaréen est l’aujourd’hui (4,14-21), et l’accomplissement de cette Parole divine, une Bonne Nouvelle pour un temps de grâce.

Dans ce passage, la barque est mise en évidence : le mot est répété trois fois. Le choix de celle de Simon, nous rappelle qu’il ne nous est pas inconnu depuis la guérison de sa belle-mère (4,38).

Dans l’évangile de Luc, Jésus est celui qui vient prendre place dans la vie des croyants. Nous le reverrons encore à l’occasion de la rencontre avec Zachée chez qui il souhaite demeurer (19,5). Jésus est souvent celui qui prend place chez les uns et les autres, pour mieux les déplacer. Et c’est bien un déplacement, une conversion à laquelle va être appelé Simon, au sein d’une barque, barque du quotidien, obligeant à la proximité.

Les deux barques étaient sur le rivage, et eux nettoyaient vainement leurs filets. La pêche était finie. D’ailleurs il n’y a pas eu de pêche. Tant de peines pour rien. Pourtant Jésus leur demande de ragréer. Rien que ça. Bien plus, comme un gars de la campagne qui n’y connaît rien en navigation, il leur demande, avec aplomb, d’aller en plein jour (quand le poisson s’enfonce au frais), pêcher plus loin, donc un endroit encore plus profond…

Étonnamment, Simon accepte. Là encore la parole de de Jésus est au cœur du récit. C’est sur sa parole, une parole de grâce, pleine de folie et de déraison aux yeux des hommes, une parole de Dieu, que Simon, le pêcheur professionnel se laisse embarquer, se laisse diriger.

Si la pêche de Simon et ses compagnons s’était conclue par un échec, malgré leur savoir-faire, la pêche de Jésus est surabondante et aussi déraisonnable que sa Parole. Sa parole de Salut ne permet pas seulement aux poissons de foisonner au milieu des filets, elle oblige aussi au rassemblement des deux barques. Jésus a fait passer du « savoir-faire » ces pêcheurs du lac à un « faire-savoir » de ces futurs disciples qui est, déjà, celui du signe et du témoignage.

Le récit de cette pêche fait écho au le livre du prophète Ézéchiel :

« En tout lieu où parviendra le torrent, tous les animaux pourront vivre et foisonner. Le poisson sera très abondant, car cette eau assainit tout ce qu’elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent. Alors des pêcheurs se tiendront sur la rive depuis Enn-Guèdi jusqu’à Enn-Églaïm ; on y fera sécher les filets. Les espèces de poissons seront aussi nombreuses que celles de la Méditerranée. » (Ez 47, 9-11)

Au lac de Génésareth, voici ces pêcheurs sur le rivage, ces filets à sécher, et ces poissons nombreux. La pêche miraculeuse rend compte de l’abondance attendu mais aussi du jugement comme le souligne la réaction de Simon Pierre.

On se serait attendu à des cris de joie, des chants de louange à la suite d’un tel miracle. Mais le récit montre une réaction d’effroi et un tableau plutôt sombre qui contraste avec une pêche généreuse. Il faut comprendre le grand effroi de Simon dans son acception biblique. La crainte représente le sentiment du croyant face à Dieu, le juge divin. La réaction de Simon est significative de la reconnaissance même d’une présence divine devant laquelle l’homme se sent indigne du fait de ses péchés.

En une phrase Simon confesse ainsi sa faiblesse, sa condition pécheresse et, en même, il reconnaît en Jésus la présence même du Seigneur et juge eschatologique.

La réaction de Simon est presque risible. À bord de cette petite barque, sur ce lac, au large, sans échappatoire, Simon-Pierre demande à Jésus : Éloigne-toi de moi, Seigneur. En fait, il n’est nul besoin de s’éloigner. Le royaume est proche annonçait Jésus et il n’a jamais été aussi proche de Simon-Pierre. Jésus s’est embarqué avec lui, ou plutôt a embarqué ce pécheur Galiléen avec lui, pour lui être plus proche. Ainsi Jésus appelle Simon non en raison de ses capacités de marin-pêcheur mais parce qu’il s’est reconnu comme humble pécheur s’étant laissé capturer à la Parole de Jésus.

Loin de condamner, de réprimer Simon, Jésus l’appelle à la mission. Ce sont des hommes que tu prendras ou plus littéralement, que tu auras à capturer vivants.

Jésus se révèle ici comme un pourvoyeur de Salut, de pêche à partager, de vie surabondante. Plus que la pêche miraculeuse, Simon est ici le signe même de la mission évangélique : appeler des pécheurs, les tirer hors du mal pour les faire revivre. Jésus ouvre Simon et ses compagnons non plus sur un lac fermé mais sur un monde ouvert, où la parole de Dieu retentira en son Fils. Laissant là tout, y compris une pêche surabondante et lucrative, ils le suivirent.

L’épisode annonce bien des rencontres salvatrices avec les pécheurs de tout bord et de toute barque : la pécheresse chez Simon le pharisien (7,36-50), les deux fils de la parabole du père miséricordieux (15,11-32), Zachée (19,1-10), le larron en croix (23,26-43) et très bientôt Lévi le publicain (5,27-32).