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4 août

4 août 2024.

Commentaire RB 6

1 Faisons ce que dit le Prophète : J’ai mis un frein à ma bouche. J’ai gardé le silence. Je me suis fait petit et je n’ai même pas parlé de choses bonnes » (Ps 38, 2-3).

2 Voici ce que le Prophète veut montrer. Quelquefois nous devons éviter de parler, même pour dire des choses bonnes. Et cela, par amour du silence. Alors, nous devons encore plus éviter les paroles mauvaises, à cause de la punition que le péché entraîne.

3 Savoir garder le silence est très important. C’est pourquoi, même pour dire des paroles qui sont bonnes, des paroles saintes qui aident les autres, les disciples parfaits recevront rarement la permission de parler.

4 En effet, la Bible dit : quand tu parles beaucoup, tu n’évites pas le péché (Proverbes 10, 19).

5 Et ailleurs :La langue est capable aussi bien de tuer que de donner la vie (Pr 18, 21).

6 D’ailleurs, c’est le maître qui parle et qui enseigne. Le disciple, lui, se tait et il écoute. Voilà ce qui convient à l’un et à l’autre.

7 C’est pourquoi, quand on a quelque chose à demander au supérieur, on doit le faire avec humilité et grand respect.

8 Les plaisanteries, les paroles inutiles et qu’on dit seulement pour faire rire les autres, nous les condamnons partout et pour toujours ! Et nous ne permettons pas au disciple d’ouvrir la bouche pour ces paroles-là !

            Le titre latin du chapitre 6 de la Règle – De taciturnitate– est difficile à traduire en français.  Il s’agit de quelqu’un pour qui le silence est un trésor et qui le préserve avec amour.  La traduction la plus fréquente : « De l’amour du silence » rend assez bien le sens du mot latin taciturnitas

            Benoît commence ce chapitre par les deux premiers versets du psaume 38 : J’ai dit : Je me surveillerai pour ne pas pécher par ma langue. J’ai placé un frein à ma bouche, j’ai été muet, humilié et j’ai tu même de bonnes paroles. 

            De cette brève citation, Benoît tire une conclusion : pour préserver son amour du silence il faut parfois s’abstenir même de paroles qui sont bonnes ; à plus forte raison pour éviter la peine du péché, il faut s’abstenir de paroles mauvaises.  La raison de s’abstenir de paroles bonnes est donc positive.

            De tout cela Benoît déduit ensuite deux règles – l’une positive, à l’égard des disciples perfecti, c’est-à-dire « accomplis », et une, négative, à l’égard des autres.  

La première est qu’on pourra accorder aux moines « accomplis » la permission de parler de propos bons, saints et édifiants, mais rarement.  Pourquoi rarement ? – afin de préserver, comme un trésor, l’amour du silence.  

Quant aux autres, ceux qui ne sont pas des moines parfaits ou accomplis, et qui n’ont donc pas cet amour du silence à préserver, et qui seraient portés à des propos grivois ou à des paroles vaines et ridicules, on ne leur permet même pas d’ouvrir la bouche pour dire de telles choses. 

            Et, tout cela, Benoît le justifie par un principe général et une déduction pratique de ce principe.  Le principe est celui-ci :

 Il revient (condecet) au maître de parler et d’instruire, il convient (convenit) au disciple de se taire et d’écouter.

Ce verset nous ramène au tout premier verset du Prologue : « Écoute, ô fils, les préceptes du Maître et incline l’oreille de ton coeur ».  Le « maître » dont il est question ici, c’est le « maître » au sens le plus général et le plus profond, le Christ.  Et le disciple, ou le fils, est quiconque désire vivre la vie monastique, qui consiste précisément à se constituer « disciple » du Christ.            

            Benoît choisit ses mots de façon très précise : Au maître (c’est-à-dire au Christ) il revient (condecet) de parler et d’instruire.  C’est un droit, quelque chose qui correspond à sa nature ou à sa dignité. Quant au disciple, l’attitude consistant à se taire et à écouter est l’attitude qui « convient » ce qu’il doit faire s’il veut être convenable

Les deux attitudes sont complémentaires : pour pouvoir écouter, il faut se taire et entendre dans le silence la Parole de Dieu qui nous est dite. 

            Si nous nous efforçons de mener une vie de prière continuelle et de vivre en communion avec Dieu, nous serons portés à « aimer le silence », comme dit Benoît, et nous n’aurons pas besoin de règlements qui nous rappellent le devoir de nous taire.  

            L’important n’est donc pas tellement de nous concentrer sur des règles de silence à observer, mais plutôt de nous efforcer de devenir sans cesse davantage de véritables contemplatifs.  C’est lorsque nous ne le sommes pas que les règlements deviennent nécessaires.