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24 janvier

24 janvier 2025.

Saint François de Sales

Souplesse et douceur

D’un Traité de saint François de Sales

Dieu bien souvent, pour nous exercer en la sainte indifférence, nous inspire des desseins fort relevés, desquels pourtant il ne veut pas le succès. Et lors, comme il nous faut hardiment, courageusement et constamment commencer et suivre l’ouvrage tandis qu’il se peut, ainsi faut-il acquiescer doucement et tranquillement à l’événement de l’entreprise, tel qu’il plaît à Dieu nous le donner.

Saint Louis, par inspiration, passe la mer pour conquérir la Terre sainte : le succès fut contraire, et il acquiesce doucement. J’estime plus la tranquillité de cet abandon que la grandeur du dessein. Saint François va en Égypte pour y convertir les infidèles ou mourir martyr parmi les infidèles, telle fut la volonté de Dieu ; il revient néanmoins, sans avoir fait ni l’un ni l’autre, et telle fut aussi la volonté de Dieu. Ce fut également la volonté de Dieu que saint Antoine de Padoue désirât le martyre, et qu’il ne l’obtint pas. Le bienheureux Ignace de Loyola ayant, avec tant de travaux, mis sur pied la compagnie de Jésus, de laquelle il voyait tant de beaux fruits et en prévoyait encore de plus beaux à l’avenir, eut néanmoins le courage de se promettre que, s’il la voyait disperser, ce qui lui serait le plus âpre déplaisir qu’il pût recevoir, dans la demi-heure après il en aurait pris son parti et s’apaiserait en la volonté de Dieu.

Oh! Que bienheureuses sont de telles âmes, hardies et fortes aux entreprises que Dieu leur inspire, souples et douces à les quitter, quand Dieu en dispose ainsi ! Ce sont des traits d’une indifférence très parfaite de cesser de faire un bien quand il plaît à Dieu, et de s’en retourner de moitié chemin quand la volonté de Dieu, qui est notre guide, l’ordonne.

Certes, Jonas eut grand tort de s’attrister parce que, à son avis, Dieu n’accomplissait pas sa prophétie sur Ninive. Jonas fit la volonté de Dieu, annonçant la destruction de Ninive, mais il mêla son intérêt et sa volonté propre avec celle de Dieu. C’est pourquoi, quand il voit que Dieu n’exécute pas sa prédiction selon la rigueur des paroles dont il avait usé en l’annonçant, il s’en fâche et murmure indignement. Que s’il eût eu pour seul motif de ses actions le bon plaisir de la divine volonté, il eût été aussi content de le voir accompli en la rémission de la peine que Ninive avait méritée, comme de le voir satisfait en la punition de la faute que Ninive avait commise. Nous voulons que ce que nous entreprenons et manions réussisse ; mais il n’est pas raisonnable que Dieu fasse toutes choses à notre gré. S’il veut que Ninive soit menacée, et que néanmoins elle ne soit pas renversée, puisque la menace suffit à la corriger, pourquoi Jonas s’en plaindra-t-il ?

Mais si cela est ainsi, ne faudra-t-il donc rien affectionner et laisser les affaires à la merci des événements ? Pardonnez-moi. Il ne faut rien oublier de tout ce qui est requis pour faire bien réussir les entreprises que Dieu nous met en main ; mais à condition que, si l’événement est contraire, nous le recevions doucement et tranquillement. Car nous avons commandement d’avoir un grand soin des choses qui regardent la gloire de Dieu et qui sont en notre charge ; mais nous ne sommes pas obligés ni chargés de l’événement, car il n’est pas en notre pouvoir. C’est à nous de bien planter et de bien arroser ; mais de donner l’accroissement, cela n’appartient qu’à Dieu.

Traité de l’amour de Dieu, IX, 7.