17 décembre 2024.
Commentaire RB 46, 5-6
5 Mais si c’est un péché secret du coeur, il le fera connaître seulement à l’abbé ou à des anciens qui vivent selon l’Esprit de Dieu.
6 Ceux-là savent soigner leurs blessures personnelles et celles des autres, sans les découvrir et sans les raconter à tous.
Dans ces deux derniers versets du chapitre 46, Benoît traite des fautes cachées et secrètes.
Il aborde ce domaine avec beaucoup de délicatesse et, par l’emploi de l’adverbe vero, en français « mais », il se sépare de ce qui précède. Ici, il ne s’agit plus d’une affaire publique.
L’ouverture du cœur est constitutive de la vie monastique depuis son origine. Le moine ne peut pas lutter seul contre les tentations, il s’en ouvre à son Père spirituel, à l’abbé, qui l’accompagne sur son chemin spirituel.
Cette pratique remonte aux origines où le moine découvre ses péchés uniquement à l’Abba qui prodigue discrètement au moment opportun les remèdes adéquats puisés dans l’Écriture.
Chez saint Benoît, non seulement l’Abbé, mais aussi d’autres frères expérimentés, avec l’autorisation de l’Abbé, peuvent rendre ce service de l’accompagnement spirituel.
On peut noter ici que Benoît – à la suite de saint Cyprien – pour parler des « péchés », parle des « blessures » qu’il convient de soigner. Nous ne sommes pas dans le registre de la morale, mais dans celui de la maladie et de la guérison. Cette approche est vitale et elle est aussi caractéristique de la spiritualité monastique.
Les deux qualités que nous donne ici Benoît du Père spirituel sont la connaissance de soi et le non-jugement.
Origène écrivait ceci à propos du choix du Père spirituel : « Choisis soigneusement celui à qui tu vas ouvrir ton cœur et vérifie s’il sait être faible avec les faibles et pleurer avec ceux qui pleurent ».
Dans la Tradition monastique, le Père spirituel a certes l’aptitude à connaître les cœurs, mais pas seulement ceux des autres, d’abord le sien. Dans la Règle, l’Abbé ou le Père spirituel n’est pas forcément le frère le plus saint de la communauté, mais il doit (et cela est indispensable) connaître ses propres blessures, être lucide sur ses propres fragilités, ses manquements et ses faiblesses, et surtout sur sa condition pécheresse.
C’est seulement dans la mesure où il est lui-même conscient de ses propres faiblesses qu’il peut aider les autres et soigner leurs blessures sans aucun orgueil.
Benoît insiste ici, et à d’autres endroits de la Règle, sur la nécessité d’éviter l’humiliation de son fils spirituel.
Ainsi s’achève cette section de la Règle (que l’on désigne souvent par « petit code pénitentiel » et qui s’adresse davantage aux frères qu’à l’Abbé). Cette section s’achève sur la guérison, comme c’était déjà le cas dans les chapitres 23 à 30 que l’on appelle le grand code pénitentiel et qui, lui, s’adresse davantage à l’abbé.
Par conséquent, une sanction, une remarque, une pénitence qui ne viserait pas la guérison, la paix et la réconciliation, ne serait ni évangélique, ni bénédictine.
20 décembre