14 novembre 2024.
Commentaire RB 37 (introduction)
I.
Le chapitre 37 traite des vieillards et des enfants, il se situe après le chapitre 36 qui traitait des malades. Ces trois catégories de personnes sont placées par Benoît sous la sollicitude paternelle du cellérier, même s’il y a des frères qui sont désignés pour veiller sur eux.
Plus loin dans la Règle, Benoît nous reparlera des enfants offerts au monastère (RB 57) et des relations entre générations au sein de la communauté (RB 63).
L’Écriture traite des âges de la vie : le constat du psalmiste « j’étais jeune, et puis j’ai vieilli » inclut tous les âges de la vie.
Dans l’Évangile, on voit Jésus qui a un amour préférentiel pour les enfants, incapables de lire la Torah et méprisés en Israël. Pour Jésus, les enfants sont des modèles qui ont l’attitude juste devant Dieu : ils donnent à comprendre les conditions d’entrée dans le Royaume de Dieu. Jésus les embrasse, les bénit, leur impose les mains, et les désigne comme des modèles pour nous si nous voulons entrer dans le Royaume de Dieu.
L’Écriture nous montre aussi que le Seigneur porte secours à ceux qui avancent en âge : « Jusqu’à la vieillesse je reste le même, jusqu’aux cheveux blancs je vous porterai : moi, je l’ai déjà fait, moi je vous soulèverai, moi, je vous porterai et je vous sauverai » (Is 46,4). Ce sont surtout les Livres sapientiaux qui parlent des âges de la vie, du respect et de l’attention qui sont dus aux personnes âgées.
Écoutons le Livre du Siracide :
« Mon Fils, viens en aide à ton père dans sa vieillesse, ne lui fais pas de peine pendant sa vie. Même si son esprit faiblit, sois indulgent, ne le méprise pas, toi qui es en pleine force.
Car une charité faite à un père ne sera pas oubliée, et pour tes péchés, elle te vaudra réparation. Au jour de ton épreuve Dieu se souviendra de toi, et comme glace au soleil s’évanouiront tes péchés. Tel un blasphémateur, celui délaisse son père, un maudit du Seigneur, celui qui fait de la peine à sa mère ».
Avec la vieillesse viennent les temps des limites, de l’assujettissement, du besoin de l’aide d’un tiers, etc. Tout cela induit un renoncement à l’exercice de sa propre liberté.
C’est pour cela que les textes monastiques vont beaucoup parler des Anciens et de l’attention que l’on doit leur porter.
II.
Le chapitre 37 traite donc des vieillards et des enfants et fait écho à l’Écriture qui traite aussi des âges de la vie.
Voyons aujourd’hui comment la Tradition monastique en parle.
Dans la tradition anachorétique et semi-cénobitique, vivent ensemble des générations différentes et se pose la question de venir en aide aux anciens. A cette époque, on est un vieillard (senex), à partir de soixante-ans :
« On disait d’un vieillard de la Thébaïde, l’Abbé Antianos, qu’il avait accompli dans sa jeunesse beaucoup de performances ascétiques, mais en vieillissant, il était devenu infirme et aveugle. Les frères lui procuraient beaucoup de soulagement en raison de son infirmité et lui mettaient la nourriture dans la bouche. » (Apophtegme 153)
Les frères âgés ne pouvaient plus rester dans la solitude, c’est ce que dit un apophtegme d’Abba Sisoés :
« L’Abbé Amour vint un jour de Raïthou à Clysma pour voir l’Abbé Sisoès. Et, le voyant affligé d’avoir quitté le désert, il lui dit : “Pourquoi t’affliger, Abbé ? Que pourrais-tu faire dans le désert, vieux, comme tu es ! ” » (Sisoès 26)
Saint Jérôme donne une description réaliste de la vieillesse, lorsque les facultés corporelles faiblissent au fil des ans, dans un corps usé :
« Chez les vieillards, presque toutes les facultés du corps s’altèrent : seule s’accroit la sagesse, mais toutes les autres décroissent : jeûner, coucher sur la dure, courir ici et là, accueillir les voyageurs, défendre les pauvres, se tenir debout pour la prière, visiter les malades, travailler de ses mains pour distribuer aux pauvres. Bref, toutes les activités corporelles s’amoindrissent pareillement. » (Lettre 52,3)
Dans l’érémitisme, on parle parfois d’enfants, mais cela n’est pas relatif à l’âge ; il s’agit en fait de jeunes moines dont la maturité spirituelle dépasse celle de leurs aînés.
Pachôme, dans sa Règle, comme le fait Benoît au chapitre 37, associe les enfants et les vieillards et déclare que la table est dressée pour eux le soir. Alors que les frères en bonne santé n’ont qu’un repas par jour, les enfants et les vieillards mangent deux repas.
Il précise ailleurs dans ses Règles que les anciens boivent du vin, ainsi que les enfants afin qu’ils deviennent courageux et forts.
Prendre en considération les âges de la vie, c’est vivre la charité, mais aussi et surtout la réalité de l’incarnation. On ne peut pas rester enfant toute sa vie, on ne peut pas être en pleine activité toute sa vie, on doit aussi accepter la vieillesse comme une étape nécessaire pour aller vers Dieu. Parce que nous vivons en communauté, il est important de nous soutenir mutuellement, de même que les jeunes ont besoin des frères en responsabilité, ils ont aussi besoin du témoignage des anciens.
Les anciens ont besoin des frères en activité qui leur permettent de vivre paisiblement leur âge avancé, mais aussi des jeunes qui leur apportent la joie de savoir que la vie monastique va continuer.
Telle est la beauté de notre vie où les générations vivent ensemble.
1er novembre