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Solennité de la nativité de saint Jean-Baptiste (Lc 1, 57-66.80)

24 juin 2024.

Chez le Précurseur, celui qui littéralement court devant le Christ pour lui faire toute la place possible, il y a un mélange de force et de fragilité. La force, tout d’abord, dans la première lecture, où nous avons entendu un extrait du livre d’Isaïe ; la bouche du serviteur de Dieu est comme une épée tranchante ; il est sa flèche préférée, parole forte envoyée au monde pour appeler à la conversion des cœurs. Oui, j’ai du prix aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force. La parole acérée que Jean annonce, sa voix tonitruante qui crie dans le désert, c’est déjà celle du Christ, qui est le Verbe de Dieu. Une voix, une parole qui retentissait déjà par la médiation des prophètes.

Pourtant, et c’est le revers de la médaille (celui de la fragilité), on dirait que cette voix ne porte pas, qu’elle est inaudible, comme muette. Je me suis fatigué pour rien, c’est pour le néant, c’est en pure perte que j’ai usé mes forces. En effet, les prophètes ont eu beau annoncer la parole de Dieu, ils ont été persécutés. C’est ce que Jésus dira dans la parabole des vignerons homicides. Ces derniers, après avoir tué tous les prophètes, crucifieront le Fils de Dieu. La Parole divine a toujours été une parole humiliée par les hommes. 

Force et fragilité du message prophétique donc, deux aspects rendus visibles dans le signe du mutisme de Zacharie. Ce mutisme, cette voix inaudible, souligne l’importance exceptionnelle de ce qui se passe.

Après l’annonce de la naissance par l’ange, Zacharie devient muet. Pourquoi ? Parce qu’il est devant un mystère, celui de l’incrédulité du peuple d’Israël auquel il appartient, et qui s’est opposé au message des prophètes.

Remarquons que la langue de Zacharie se délie le huitième jour, celui-là même où son enfant est circoncis. Circoncision, conversion. Il s’agit de la même réalité : avec la naissance de Jean, une rupture, une coupure dans le vif se fait jour. La Parole de Dieu, plus aiguisée qu’une épée à double tranchant (cf. He 4,12), s’abat sur l’arbre du péché pour le faire tomber. En effet, la séparation violente amorcée par Jean ne fait qu’anticiper celle du Christ, qui sera une cause de scandale : La hache est prête à attaquer la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu (Lc 3,9). 

Vous allez me dire : pourquoi tant de violence ? Eh bien parce que le cœur de l’homme est dur et fermé, et qu’il faut bien le briser d’une manière ou d’une autre. Son cœur épaissi par le péché doit être circoncis, coupé, pour être ouvert à la grâce. Pour cela, Dieu emploie les grands moyens. Avant la venue du Christ et de l’Esprit Saint, Dieu veut préparer nos cœurs à l’accueillir. Par l’intermédiaire de Jean qui annonce la conversion, il veut casser la carapace de notre égoïsme, pour que nous puissions l’accueillir et le recevoir.

Dieu seul peut nous délivrer de notre mutisme et de notre enfermement. Et cela passe par la louange que nous lui devons, au-delà de la crainte que nous pouvons ressentir.

Comme Zacharie, il nous faut remercier Dieu, le bénir pour tout ce qu’il fait dans nos vies. Oui, « Dieu fait grâce » : c’est la signification même du nom de Jean, qui ouvre notre cœur à la reconnaissance des merveilles de Dieu. Désormais, la langue du muet peut faire entendre des cris de joie, comme dit le prophète Isaïe (35). Chaque matin, il nous faut délier nos lèvres avec Zacharie pour chanter « Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël ». 

Rendons grâce donc, pour la naissance du plus grand des prophètes. Soyons à l’image de Jean, comme une lampe qui prépare l’humanité à recevoir la lumière de la vie qu’est le Christ. Amen.