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Mercredi de la 11ème Semaine du Temps Ordinaire (Mt 6, 1-6.16-18)

19 juin 2024.

Ce passage de l’évangile, proposé au mercredi des Cendres, se situe dans la continuité du discours de Jésus sur la montagne (Mt 5-7). Il appartient à sa partie centrale, ce qui lui confère une importance particulière. Vous serez parfaits comme votre Père est parfait : ainsi se concluait le passage précédent.

Si la Loi fut présentée par Jésus comme une parole d’Alliance, l’éthique du croyant  – ‘pour devenir des justes’ – devient tout aussi théologale. En effet, Jésus insiste davantage sur l’attitude intérieure et sincère du croyant qu’à son obligation d’agir en vue d’être juste – tel un bon soldat de la foi. Le discours de Jésus privilégie la relation filiale à l’obligation du croyant.

L’ensemble de cette section est constitué de trois passages construits sur un même modèle : Quand vous (faites ceci), ne soyez pas comme les hypocrites qui… Mais toi, quand tu (fais ceci, fais-le ainsi…) ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra. Ce modèle concerne trois attitudes : l’aumône, la prière et le jeûne. C’est au cœur de ce passage que Matthieu a inséré la prière du Notre Père que l’Église n’a pas retenu dans le découpage liturgique du texte de ce jour. Nous l’entendrons demain.

 Prenons connaissance du texte tel que la liturgie de ce jour nous le donne.

Ne rabâchez pas

Avec la prière, et peu avant d’offrir sa prière, Jésus critique également une autre attitude qui s’éloigne de toute sincérité (6,7 : Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens). Cette récitation, souvent superstitieuse, ne correspond pas à l’attitude filiale qui doit habiter le croyant, dans sa relation au Dieu-Père.

Ces versets critiquent le détournement de ce que devrait être une prière.

Chez les païens, mais on en trouverait aussi parmi des groupes juifs et chrétiens de l’époque, la récitation répétée d’une même prière parvient à ouvrir les oreilles de la divinité, ou de Dieu, qui peut consentir à exaucer un vœu.

La prière n’est donc plus perçue comme un lieu de dialogue et d’écoute mais comme un moyen de commercer avec Dieu, d’accéder à sa volonté : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés.

 Or, ce que vient souligner ce discours sur la montagne, c’est combien Dieu est proche et bienveillant comme le sont les parents envers ses enfants. Ce Dieu-Père n’a nul besoin d’entendre des rabâchages : il connaît ses enfants et ce dont ils ont besoin : votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé.

Dans le secret ?

Ainsi, Jésus insiste sur le secret de ces bonnes œuvres.  Ce secret est dérangeant. Quoi : ne pas montrer qu’on fait œuvre de charité, que l’on prie, que l’on jeûne !? Mais qui pourra nous gratifier d’être juste et bon ? 

Pire, ces actions cachées pourraient produire l’effet inverse. Aux yeux des autres, le bon croyant, qui agit bien mais secrètement, peut apparaître comme un impie, comme celui qui ne prie pas, ne jeûne pas et ne fait pas preuve de charité !

Dans ce passage, le témoignage devient invisible ou du moins sans ostentation. Jésus invite à la foi active mais humble, discrète et désintéressée. Cette foi sincère se fonde sur l’amour avant la récompense : donner sans attendre de contrepartie, prier dans le silence, jeûner sans en avoir l’air… 

Dans le secret, mais non pas seul

Ne faisons pas de contresens. Ce secret demandé n’est pas non plus un appel à une foi solitaire, autonome. L’aumône et la prière – véritablement vécues – ne sont pas des actes égoïstes.

Ils sont le signe d’une communion profonde avec les plus fragiles, comme avec le Seigneur. Certes, les disciples sont invités à agir dans le secret, mais non pas seul. 

Dans cette prière du Notre Père, il y a ce nous, maintes fois répété, qui oblige, y compris dans la solitude d’une chambre, le croyant à s’unir à d’autres croyants ; à prier en communion pour que la volonté du Père agisse, sur terre comme au ciel, pour tous, et non pour soi seul ; pour recevoir en partage ce pain de ce jour, recevoir son pardon, et vivre de réconciliation. Dans le secret, mais non pas seul : avec ce Père, bienveillant et miséricordieux, qui agit en faveur de tous. Dans le secret, pour que l’humilité discrète du croyant, laisse place à l’action gracieuse du Seigneur.

 Et le jeûne devient fête

La loi de Moïse ne fait mention du jeûne qu’à l’occasion de Yom Kippour (Grand Pardon Lv 23,27sq). D’autres jeûnes communautaires, liés à la destruction du Temple, sont mentionnés dans le livre du prophète Zacharie (Za 8,19). Mais ce dont il est question, ici, correspond à un jeûne personnel. 

Celui-ci pouvait être vécu à l’occasion d’un deuil. En plus du jeûne, on déchirait ses vêtements, on ne se lavait, ni se parfumait. En dehors de cette situation, le jeûne volontaire était pratiqué, par certains, comme une mortification nécessaire en vue de fléchir, en sa faveur, la volonté de Dieu. Cette pratique est peu recommandée dans le Judaïsme. Est-ce ce type d’ascèse que Jésus critique ? Probablement. 

Il oblige à relier le jeûne et le parfum. Ce qui est plutôt antinomique. Il refuse de donner à ce jeûne, personnel et volontaire, une valeur de rétribution, attendant une récompense de Dieu face aux sacrifices données.

La privation devient fête. Le jeûne, discrètement vécu, devient un temps de frugalité et de simplicité, un temps, pour aller à l’essentiel : l’amour du Père et du prochain.

Car c’est dans ces deux lieux que le jeûne prend sens. Dans ce discours, l’aumône et la prière du Notre Père, précède la mention du jeûne et lui redonne toute sa valeur. En dehors de la charité et de l’oraison, la privation devient une mortification égoïste.

 Votre Père vous le rendra ?

Ton Père qui voit au plus secret te le rendra. Ce que le Père du ciel donne en retour des œuvres de miséricorde, des prières et des jeûnes, ne peut être de l’ordre d’une récompense distribuée à ses enfants les plus sages, d’un trésor terrestre.

Faut-il attendre d’un père, le seul héritage et la subsistance ? Ce que Dieu rend, c’est cet amour paternel débordant. Il fait devenir les croyants – non des justes fiers de leurs efforts – mais des justes fils, fiers de ce Dieu Père et de Celui qu’Il a envoyé, Jésus-Christ : son propre Fils.