5 mars 2025.
Mercredi des Cendres
Mt 6, 1-6.16-18
Je voudrais retenir de l’Évangile de ce jour une image employée par Jésus, à propos de ceux qui jeûnent : « ne prenez pas un air abattu (…) quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage… ton Père qui voit au plus secret te le rendra ».
Que veut nous dire Jésus ? Tout d’abord que le jeûne n’est pas une valeur en soi, une sorte de médaille héroïque que nous pourrions arborer comme un athlète qui élève son trophée, sa victoire, devant une foule.
Tu sais, toi, pourquoi tu jeûnes : tu jeûnes parce que tu en as besoin et que tu veux rencontrer celui que ton cœur aime, mais le chemin est difficile car tu es un pauvre pécheur.
Jésus prend une image paradoxale quand il parle du jeûne, il dit qu’il faut se parfumer : on se parfume, parce que l’on est content et que l’on va à une fête ou à un mariage… Comment comprendre ?
Il me semble qu’il est bon de rapprocher cette image évangélique de ce que Benoît nous dit dans le chapitre sur le Carême à propos de la joie du désir spirituel ! Oui, tu vas jeûner pendant le Carême, tu vas prier davantage, garder davantage le silence, etc… mais tout cela a un but, un but joyeux, chercher le ressuscité et vivre avec lui !
Le jeûne n’a pas une valeur en soi, il est seulement un moyen pour nous détourner de nous-mêmes et nous tourner vers Celui que notre cœur aime, vers le Christ, et cela est profondément joyeux, voilà pourquoi il faut se parfumer, car c’est une grande joie et une grande fête à laquelle nous nous préparons.
Benoît parle d’attendre la sainte Pâque dans la joie du désir spirituel. Nous avons là, réunis, trois thèmes très importants de la Règle de Benoît : la joie, le désir et l’Esprit.
Ce Dieu qu’on doit aimer de tout son cœur, de toute son âme et de toutes ses forces, on ne le possède pas encore. On ne peut que le désirer, d’un désir qui est une tension de tout l’être vers l’objet aimé. C’est pourquoi le verset qui constitue en quelque sorte le sommet de ce chapitre est le verset 46 : vitam aeternam omni concupiscentia spiritali desiderare – « Désirer la vie éternelle d’une ardeur toute spirituelle ».
Le désir de Dieu est déjà, de sa nature même, une union à Dieu, et donc une prière. Le désir est en effet pure ouverture à l’autre, pleine réceptivité. Il y a une grande différence entre « besoin » et « désir ».
Si nous y sommes attentifs, nous pouvons dire que nous n’avons pas besoin de Dieu, car Dieu ne peut jamais être l’objet (même pas l’Objet avec un grand « O ») de nos besoins. Nous ne pouvons pas saisir Dieu, nous ne pouvons pas le faire nôtre et le transformer en nous-mêmes. Il peut cependant – et Il doit – être l’Objet de notre désir. Nous ne pouvons même pas naître à la vraie vie sans ce désir.
L’expérience de Dieu ici-bas n’est jamais immédiate. La reconnaissance de Dieu requiert un dialogue, et tout d’abord la conscience de Son désir à Lui et la réponse à ce désir. Avant de désirer Dieu nous devons faire l’expérience d’être désirés par Lui.
Quand Benoît dit que toute la vie du moine doit être conforme à l’observance du carême il implique que toute sa vie doit être animée de cette attente de la Pâque, dans la joie du désir spirituel. La résurrection du Christ est vraiment au cœur de la spiritualité de Benoît, même si, ni le mot « résurrection » (resurrectio), ni le verbe « ressusciter » (resurgere) n’apparaissent dans sa Règle.
Ne nous trompons pas : la vraie joie, celle que l’on acquiert au prix du renoncement, c’est la joie d’avoir trouvé le Christ.
Que tout ce que nous ferons pendant ce Carême nous rende plus heureux, plus libres, plus proches du Christ et plus proches les uns des autres !
26 février