27 juin 2025.
Solennité du Sacré-Cœur
Année C
Lc 15, 3-7
Alléluia. Alléluia.
Je suis le bon Pasteur, dit le Seigneur ;
je connais mes brebis
et mes brebis me connaissent.
Alléluia. (Jn 10, 14)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là,
s’adressant aux pharisiens et aux scribes,
Jésus disait cette parabole :
« Si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une,
n’abandonne-t-il pas les 99 autres dans le désert
pour aller chercher celle qui est perdue,
jusqu’à ce qu’il la retrouve ?
Quand il l’a retrouvée,
il la prend sur ses épaules, tout joyeux,
et, de retour chez lui, il rassemble ses amis et ses voisins
pour leur dire :
‘Réjouissez-vous avec moi,
car j’ai retrouvé ma brebis,
celle qui était perdue !’
Je vous le dis :
C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel
pour un seul pécheur qui se convertit,
plus que pour 99 justes
qui n’ont pas besoin de conversion. »
La brebis perdue. La morale est claire : le Christ est venu chercher ceux qui se sont égarés, les pécheurs.
Ce n’est pas un enseignement marginal ou isolé. Dès le début de l’évangile, Jésus déclare : « Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs », ‘je ne suis pas venu pour des bien-portants mais pour des infirmes’. Et Paul le redit d’emblée dans l’une de ses toutes premières lettres : « Ce qu’il y a de faible dans le monde, de fou, de NUL… voilà ce que Dieu a choisi. »
C’est très clair mais pas facile à entendre, à accepter. Nous avons du mal avec les pécheurs, les égarés. Aller vers les pécheurs n’a rien de naturel… et puis il y a le risque de pécher avec eux, de nous égarer avec eux.
Comment retrouver l’élan évangélique, l’élan du Christ à l’égard des publicains, des prostituées, des malades de toutes sortes ? Car les maladies du corps à cette époque sont clairement assimilées à des infirmités de l’âme : la lèpre, la possession démoniaque qui ressemble à l’épilepsie ou à la folie furieuse, tout ça, c’est la même chose, c’est le mal.
En matière de mal, qu’il soit souffrance ou péché, nous essayons plutôt de préserver à tout prix une sorte d’îlot de santé, de vertu, de valeur, désespérément.
Pourquoi ça ne peut pas coller avec le Christ de l’Evangile ?
Parce que celui-ci annonce envers et contre tout le pardon de Dieu. Juste après la brebis perdue, ce sera la parabole la plus émouvante de tout l’évangile : Dieu est un Père qui pardonne les pires égarements, qui permet le retour, qui attend le retour. Or, comme le dira bien fort le fils aîné, un Dieu qui pardonne, cela n’est pas intéressant pour les justes.
La posture de juste, de bien-pensant-bien-portant-équilibré, sain s.a.i.n., reste vouée au pharisaïsme et à l’hypocrisie aujourd’hui comme hier. La revendication de pureté est toujours la première phase d’une politique d’exclusion. Purification ethnique : les brebis galeuses, dehors !
Ce qui rend l’Eglise plus forte, ce qui affermit une communauté monastique, ce n’est pas quand elle double et redouble la médecine, la justice ou la police, c’est quand elle accepte de marcher avec les faibles, au pas des plus faibles, comme le vieux Jacob avec son troupeau, exemple que nous donne la Règle, c’est la diversité de nos conditions dans l’acceptation mutuelle, des vieux et des jeunes ensemble, des bien-portants et des malades ensemble, des solides et des fragiles ensemble, parce que nul ne peut réaliser sa pleine vocation qu’avec les autres et par les autres.
Juste ou pécheur… Frères, nous le savons bien, cela n’est pas visible à l’œil nu : Jésus n’a pas parlé de brebis galeuse ni de brebis à trois pattes mais d’égarement. De s’égarer la brebis la plus vigoureuse est capable un jour. D’autant que cet égarement se passe le plus souvent, presque toujours, dans le cœur, sans aucune espèce de visibilité.
Les frères ou les personnes qui m’ont le plus obligé à grandir spirituellement sont ceux qui m’ont parlé de leurs abîmes, de leur nullité, leurs échecs : là il y a de véritables témoins de Jésus Christ, comme Pierre faisant écrire en toutes lettres qu’il a renié Jésus, comme Paul redisant encore, longtemps après, quand tout le monde avait oublié, qu’il avait été un persécuteur des chrétiens, et qu’il n’y était pas allé de main morte !
Nul ne sera témoin des merveilles de Dieu qu’en confessant le fait qu’il n’a jamais été à la hauteur de ce que Dieu a fait pour lui, en lui ou par lui. « C’est quand je suis faible que je suis fort. » A cette mesure-là seulement le vrai Dieu se fait connaître, par la démesure du salut qu’il opère, par la nullité de ses témoins. Pour ressusciter, il faut consentir à mourir, et même à mourir de honte. La croix de Jésus ne dit pas autre chose.
27 mai