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19 avril 2025.

Samedi Saint

(Pour aider à vivre la journée)

Aujourd’hui, le Christ est dans le tombeau et nous attendons la nuit pascale.

Aujourd’hui le Christ est descendu jusque dans les enfers pour ramener tous les hommes vers le Père.

Méditation de Karl Rahner sur le mystère du samedi saint

Il est donc mort, celui qui est en même temps le Fils du Père céleste et le Fils de l’Homme, la plénitude éternelle de la divinité et de son océan de bonheur sans rivages, du fait qu’il est la Parole du Père avant tous les siècles, et un fils de notre terre, du fait qu’il a pris chair dans le sein de la femme bénie entre toutes les femmes. Il est mort, celui qui est issu à la fois de la plénitude de Dieu et de l’indigence de notre terre. Mais qu’est-ce donc que la mort ?

Ah ! comme un spiritualisme bien peu chrétien rétrécit ici notre horizon ! N’allons pas nous figurer en effet que l’esprit et l’âme du Christ, réceptacles de son éternelle divinité, auraient rompu toutes leurs attaches avec ce monde et cette terre, prenant leur vol, pour ainsi dire, vers la gloire de Dieu. N’allons pas nous les figurer bien loin au-delà de tout le monde créé, une fois que le corps qui les reliait à la terre fut brisé par la mort, et que la terre meurtrière a montré que le Fils de la Lumière éternelle n’avait pu se faire à ses ténèbres ! En effet, aussitôt après avoir dit que le Fils de Dieu est mort, nous proclamons dans notre Credo qu’il est descendu au royaume des morts et ressuscité. Et voilà qui donne à l’expression “mourir” un sens tout différent de celui d’une fuite du monde, que nous sommes toujours tentés d’associer à l’idée de la mort. Jésus lui-même n’a-t-il pas déclaré qu’il descendrait “dans le sein de la terre” ? Et que faut-il entendre par là, sinon le cœur de toutes choses terrestres, leur nœud et leur centre d’unité, le lieu où trônent la vanité et la mort ? C’est là, dans ces profondeurs, qu’il a pénétré. Sa défaite n’a été qu’une ruse de celui qui est la vie éternelle. S’il s’est laissé vaincre par la mort, c’est pour être englouti avec elle dans les profondeurs les plus secrètes du monde : ainsi parvenu jusqu’à la matrice du monde et à la racine la plus profonde de son unité, il pourrait y insérer à jamais le principe de sa vie divine.

S’il est ressuscité, ce n’est pas pour quitter une bonne fois et à jamais notre terre, ou pour renaître, à travers les douleurs de la mort, à la vie et à la lumière de Dieu en laissant derrière lui le sombre sein de la terre, dans un vide désolé et sans espoir. Non, il est ressuscité dans son corps. Ce qui veut dire que, à ce moment-là, il commence à transformer le monde en ce qu’il est lui-même, qu’il assume le monde à tout jamais, qu’il naît une seconde fois comme enfant de la terre, mais d’une terre transfigurée, libérée, affranchie de toute limite ; d’une terre qui trouve en lui sa base éternelle et qui est délivrée à jamais de la mort et de la vanité. Il est ressuscité non pour montrer qu’il quitte définitivement le tombeau de notre terre, mais pour prouver que même ce tombeau des morts qu’est la terre et le corps de l’homme s’est définitivement transformé en la demeure splendide et incommensurable du Dieu vivant, et de l’âme du Fils en qui habite la plénitude de la divinité.

L’homme au miroir de l’année chrétienne, p. 147-150.