21 janvier 2025.
Mardi de la 2ème Semaine du Temps Ordinaire
Mc 2, 23-28
La scène pourrait être simple et paisible : Jésus marche avec ses disciples à travers champ. Mais ce champ et ses épis seront aussi ceux de la discorde.
Mais dans quel but les disciples arrachent-il des épis ? Rien n’est précisé ici.
Que leur est-il reproché ? Les pharisiens, les suivant à la trace, épient les moindres faits et gestes du Nazaréen et de ses compagnons afin de dénoncer tout manquement et leur enlever ainsi tout crédit. Certes, la Loi de Moïse autorise un tel grappillage : Si tu traverses les moissons de ton prochain, tu pourras arracher des épis avec la main (Dt 23,26). Mais cette tolérance est inadmissible un jour de sabbat. Les disciples de Jésus, ces proches de l’Époux, seraient-ils méprisants vis à vis de la Torah, la Loi de Moïse ?
Le sabbat, ou shabbat, journée sainte consacrée à Dieu, interdit toute activité, tout travail (Ex 20,10), notamment celui lié à la moisson (Ex 34,21). Mais quel mal y a-t-il à moissonner quelques épis ? Cela peut paraître anodin. Or, manquer à la règle du sabbat ne constitue pas une faute à l’égard d’un petit commandement mais une offense faite à Dieu lui-même. Puisant son origine dans les récits de la Création (Gn 2,1-3 / Ex 20,10) et de la Sortie d’Égypte (Dt 5,13-15), le sabbat est lié au dessein bénéfique de Dieu en faveur de l’humanité (création) et de son peuple (délivrance). Ce septième jour tient d’une profession de foi. En cessant ses activités, son travail sur la nature, le croyant humble, uni au peuple de l’Alliance, peut se mettre à l’écoute de son unique Créateur. Ce jour chômé oblige également ses fils, filles, serviteurs, étrangers et bêtes (Dt 5,14-15). Toute la création est ainsi délivrée de sa charge et de son travail pour rendre grâce à Dieu, unique Créateur et Sauveur.
Inversement, refuser le sabbat manifeste une désobéissance à la Parole de Dieu, un refus de vivre de sa grâce, et revient à s’approprier sa toute-puissance, prendre la place du créateur et nier son appartenance au peuple juif.
À la vue des disciples transgressant publiquement la Loi, les pharisiens exigent une explication. Que va faire leur maître : honorer la Loi de Moïse et blâmer ses disciples ou bien justifier ses disciples et contredire la Loi … et se condamner lui-même ?
La réponse de Jésus vient prendre les pharisiens à leur propre piège. Le pharisaïsme puise sa science et sa spiritualité dans la Loi et les Prophètes. À l’autorité des cinq livres de la Loi, Jésus les renvoie aux livres des prophètes. Face à Moïse se tient David, référence en matière de royauté comme de foi, considéré comme prophète et auteur des Psaumes. En accueillant l’arche d’Alliance (2S 6), il a dansé, revêtu du vêtement sacerdotal. Avec lui le Seigneur a fait Alliance (2S 7), lui promettant une descendance royale. Et pourtant, David lui-même n’a-t-il pas enfreint la Loi en toute impunité ?
Dans le récit auquel fait référence Jésus (1S 21,1-10), le fils de Jessé prend les pains d’offrande, ces douze pains destinés à Dieu (Lv 24,5). Le futur roi David a donc commis une véritable profanation au sanctuaire de Nob. David a agi pour sa propre survie. Or, dans ce cas, la Loi privilégie le sauvetage de la vie à la transgression.
Jésus ne blâme, ni ne félicite les faits et gestes de ses compagnons. Ceux-ci ne sont plus l’objet de ce procès. Il endosse ici l’entière responsabilité des actes de ses disciples. Si, au temps d’Abiathar, les compagnons mangent ce qui est interdit, c’était en raison de l’autorité de David, Messie du Seigneur. Par conséquent, si les compagnons de Jésus commettent ce qui paraît interdit, c’est en raison de l’autorité de Jésus, Christ de Dieu.
L’autorité de Jésus équivaut donc à celle de David. L’argument ne porte plus sur la transgression de la Loi par les disciples, mais sur la souveraineté de Jésus. Les agissements des compagnons s’appuient sur l’autorité de leur maître. Or, les disciples ne sont-ils pas en compagnie de l’Époux qui se présente maintenant comme Fils de l’homme ?
Jésus reprend une sagesse que même les pharisiens connaissent (1M 2,39-41) : le sabbat est destiné à la vie, à délivrer l’homme de ses servitudes. Jésus ne récuse pas le sens du sabbat, mais le sabbat ne se résume pas à une cessation d’activité, il est d’abord célébration de Dieu, Créateur et Sauveur. Le sabbat est destiné à rendre l’homme à son Créateur. Et bien plus.
Suivre le sabbat trouve son sens désormais dans la suivance du Fils de l’homme, suivre Jésus à travers champs. Et, comme pour le sabbat, cette marche à la suite du Christ devient une question de vie, de salut ou de mort. Les épis arrachés ne sont plus le signe d’une transgression mais d’une urgence vitale, celle du temps messianique attendu et désormais en marche à travers champs.
26 septembre