14 septembre 2024.
Commentaire de RB 19, 3-5
3 C’est pourquoi rappelons-nous toujours les paroles du Prophète : « Servez le Seigneur avec un respect confiant » (Psaume 2, 11).
4 Et encore : « Chantez les psaumes avec sagesse » (Psaume 46, 8).
5 Et : « Je chanterai pour toi en présence des anges » (Psaume 137, 1).
Dans les deux premiers versets du chapitre 19, Benoît résume ainsi l’essentiel de sa spiritualité de l’Office : avoir foi en la présence de Dieu et y être attentif.
Le verset 3 s’ouvre avec la conjonction latine « ideo » que l’on peut traduire par « c’est pourquoi » : « C’est pourquoi, souvenons-nous toujours de ce que dit le Prophète : “Servez le Seigneur avec crainte” ; et encore : “Psalmodiez avec sagesse” ; et : “Je psalmodierai pour toi sous le regard des anges” ».
Semper (toujours), n’est pas un détail ici ; lorsque Benoît emploie cet adverbe dans la Règle, c’est pour nous dire un aspect essentiel de la vie monastique.
Memores (se souvenir) est aussi un terme capital qui renvoie toujours dans la Règle à la présence de Dieu et à la prière : ce que Benoît veut nous dire lorsqu’il emploie ce mot est qu’il est essentiel d’intérioriser ce que l’on expérimente dans la vie monastique et donc de fuir l’oubli de Dieu.
Benoît cite ensuite 3 versets de psaumes pour tenir le moine éveillé à cette présence :
- Par le Ps 2, 11 : « Servez le Seigneur avec crainte », il reprend un thème central de la Règle, fondé sur la Bible, en particulier Prov 1, 7 : « La crainte de Dieu est le principe du savoir ». Dès le Prologue, au verset 33, Benoît affirme cette conviction : « Venez, Fils, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte du Seigneur ». Dès le début de la vocation , la crainte du Seigneur est déjà là. Cette attitude est fondamentale chez Benoît : « Le premier degré de l’humilité consiste à garder toujours présent à l’esprit la crainte de Dieu et à éviter de jamais oublier » (RB 7,10).
Cette crainte de Dieu marque aussi le service des frères, on la retrouve à propos des charges en communauté.
La crainte de Dieu, ce n’est pas la peur de Dieu, plusieurs fois dans la Règle, Benoît invite au passage spirituel de la crainte… à la crainte d’amour, à la peur de déplaire à Dieu, à la peur de ne pas répondre à son amour. Un contemporain italien de Benoît, un moine nommé Cassiodore écrivait à propos du Ps 2, 11 : « La crainte de Dieu ne conduit pas à la tristesse, mais à la joie ».
- Après le Ps 2, 11, Benoît cite le Psaume 47, 8 : « Psalmodiez avec sagesse ». Il s’agit bien-sûr de la prise en compte du sens du texte (sens littéral), de sa signification, mais surtout une appropriation intérieure de la Parole de Dieu. Ce verset appartient au trésor commun de la Tradition monastique :
C’est par ce verset que saint Césaire d’Arles ouvre dans sa Règle aux moniales, le code liturgique ; saint Basile explique ainsi ce verset : « Ce qui est, quand il s’agit des aliments, la faculté de percevoir qualité des aliments, est, lorsqu’il s’agit des Saintes Écritures, l’intelligence. Le gosier goûte la nourriture, et l’intelligence apprécie les paroles. Lorsqu’on a l’esprit disposé de façon à percevoir la valeur des mots comme le gosier la qualité de chaque aliment, on a accompli le commandement : “Psalmodiez avec sagesse” ».
- Après le Ps 2, 11 et le Ps 47,8, Benoît cite le Ps 138, 1 : « Je psalmodierai pour toi sous le regard des anges ». Il s’agit toujours de l’attention à porter à la présence de Dieu : les anges sont les messagers de Dieu qui concrétisent sa présence et permettent au moine de participer à la louange céleste, à la liturgie céleste : lorsque la liturgie de la terre s’unit à la liturgie du ciel, la dimension eschatologique de la prière de l’Office est mise en lumière.
Par ces trois citations psalmiques, Benoît veut parler au cœur de chacun de nous sur ce qu’est vraiment la prière liturgique. Plutôt que de faire un grand discours sur la théologie de la liturgie, il préfère que l’Écriture parle directement au cœur du moine.
Commentaire RB 4, 49-50