Les qualités que l'abbé doit avoir
1. L'» abbé*, celui qui est digne d'être à la tête du » monastère*,
doit toujours se rappeler le nom qu'on lui donne.
Il doit prouver par ses actes* son nom de « supérieur ».
2. En effet, au regard de la » foi*,
il tient dans le monastère la place du » Christ*,
puisqu’on l’appelle du même nom que le Christ» [3].
3. L’apôtre Paul écrit :
« Vous avez reçu l’Esprit Saint.
Il fait de vous des enfants de Dieu
et, par l’Esprit, nous crions à Dieu : Abba, Père » (Romains 8, 15).
4. C’est pourquoi l’abbé ne doit rien enseigner,
rien établir, rien ordonner
en dehors des commandements du Seigneur.
5. Mais ses ordres et ses enseignements agiront comme un ferment
pour répandre la justice de Dieu dans le cœur de ses » disciples*.
6. L’abbé doit toujours se rappeler ceci :
le jour terrible où Dieu jugera les hommes,
il examinera ces deux choses :
son enseignement et l’» obéissance* de ses disciples.
7. L’abbé doit le savoir :
si, parmi ses brebis, le père de famille en trouve une en mauvais état,
c’est le berger qui en portera la responsabilité.
8. Au contraire, si le berger se fatigue beaucoup
pour des brebis qui ne restent pas tranquilles et qui n’obéissent pas,
s’il fait tout ce qu’il peut pour les guérir de leurs » actions* mauvaises,
9. au jour du jugement, le Seigneur le déclarera innocent.
Avec le » Prophète*, l’abbé dira au Seigneur :
« Ta justice, je ne l’ai pas cachée dans mon cœur.
Ta vérité et ton » salut*, je les ai annoncés » (Psaume 39, 11).
« Pourtant ces gens-là se sont moqués de mes paroles
et ils m’ont méprisé » (Isaïe 1, 2 ; Ézékiel 20, 27).
10. Alors, à la fin,
ces brebis qui ont résisté aux soins de l’abbé
seront punies par la mort qui les vaincra.
11. C’est pourquoi, quand quelqu’un reçoit le nom d’« abbé » ,
il doit conduire ses disciples
en les enseignant de deux façons :
12. Tout ce qui est bon et saint,
il le montre par ses paroles, et encore plus par son exemple.
Pour les disciples qui ont le cœur docile,
c’est par ses paroles que l’abbé présente les commandements du Seigneur.
Mais pour ceux qui ont le » cœur* dur
et pour ceux qui comprennent moins bien,
c’est par son exemple qu’il fait voir les commandements de Dieu.
13. Et quand l’abbé explique à ses disciples ce qui est mal,
c’est aussi par son exemple qu’il montre qu’on ne doit pas le faire.
Sinon, lui qui enseigne aux autres, il sera condamné (1 Corinthiens 9, 27).
14. Et s’il commet des péchés, un jour Dieu lui dira :
« Tu récites mes commandements : mais pourquoi ?
Tu parles de mon alliance : pourquoi donc ?
Toi, tu détestes tout règlement.
Tu jettes mes paroles derrière toi ! » (Psaume 49, 16-17).
15. Et aussi :
« Tu remarques la paille dans l’œil de ton frère,
mais tu ne remarques pas la poutre qui est dans le tien ! » (Matthieu 7, 3).
16. Dans le monastère, l’abbé ne fera pas de différence entre les moines.
17. Il n’aimera pas un frère plus qu’un autre,
sauf s’il en trouve un qui agit mieux
ou qui obéit mieux que les autres.
18. Il ne fera pas passer l’homme libre avant celui qui était esclave,
sauf pour une bonne raison.
19. Mais si, pour une raison juste,
l’abbé pense qu’il faut agir ainsi,
il le fera sans tenir compte du rang des frères dans la communauté.
En dehors de ce cas, chacun gardera son rang d’entrée au monastère.
20. En effet, esclave ou homme libre,
tous nous sommes un dans le Christ (Galates 3, 28)
et nous portons tous la charge du même » service*
pour l’unique Seigneur.
Non, Dieu ne fait pas de différence entre les hommes (Actes 10, 34 : Romains 2, 11).
21. La seule chose qui compte à ses yeux,
c’est d’être meilleurs que les autres par nos actions bonnes,
et d’être » humbles*.
22. C’est pourquoi l’abbé aimera tous les frères d’un amour égal.
Il appliquera les mêmes règles à tous,
mais selon les mérites de chacun.
23. Dans son enseignement,
il doit toujours pratiquer la règle de l’apôtre Paul :
« Fais des reproches, encourage, menace » (2 Timothée 4, 2).
24. Voici ce que cela veut dire :
l’abbé change sa façon de faire
en tenant compte des moments et des personnes.
Il est à la fois doux et exigeant.
Il est sévère comme un maître ou affectueux comme un père.
25. Il doit faire des reproches plus durs
à ceux qui n’obéissent pas
et à ceux qui ne se tiennent pas tranquilles.
Mais ceux qui obéissent, qui sont doux et » patients*,
il les encourage à faire encore des progrès.
Pour les » négligents* et pour ceux qui sont pleins de mépris,
nous avertissons l’abbé :
il doit les menacer et leur faire des reproches.
26. L’abbé ne fermera pas non plus les yeux
sur les fautes de ceux qui se conduisent mal.
Dès que ces fautes commencent à paraître,
il les arrache avec leurs racines,
pendant
ue c’est encore possible.
Qu’il se rappelle le malheur d’Éli, le prêtre de Silo ! (1 Samuel 2, 27-34).
27. Les moines qui sont mieux disposés et qui comprennent,
l’abbé les corrige par des paroles, en les avertissant une ou deux fois.
28. Mais ceux qui sont méchants, durs et orgueilleux,
ceux qui refusent d’obéir,
dès qu’ils commencent à faire le mal,
il les empêche de continuer.
Pour cela, il leur donne des coups,
ou bien il punit leurs corps d’une autre façon» [4].
En effet, il connaît cette parole de la Bible :
« Le fou, ce n’est pas avec des paroles qu’on le corrige » (Proverbes 29, 19).
29. Et aussi :
« Frappe ton fils avec le bâton.
Ainsi tu sauveras sa vie de la mort » (Proverbes 23, 14).
30. L’abbé doit toujours se rappeler ce qu’il est.
Il doit toujours se rappeler le nom qu’on lui donne
et savoir ceci : « Plus on confie de biens à quelqu’un,
plus on lui demande de comptes » (Luc 12, 48).
31. Voici encore ce qu’il doit savoir :
la responsabilité qu’il a est bien difficile et pénible !
Il s’agit à la fois de conduire des personnes
et de se mettre au service de leurs caractères différents,
c’est-à-dire être doux avec celui-ci, menacer celui-là,
obtenir l’accord d’un troisième.
32. L’abbé s’adaptera à tous et changera sa façon de faire
selon les dispositions et l’intelligence de chacun.
Alors il n’y aura pas de perte dans le troupeau que Dieu lui confie.
Mais, bien mieux, l’abbé sera dans la joie
parce que ce bon troupeau grandit.
33. Avant tout, il ne laissera pas de côté
le salut des frères que Dieu lui a confiés.
Ce salut, l’abbé ne le regardera pas comme une petite chose,
en donnant plus d’importance aux affaires de la terre.
Ces affaires passent et elles ne durent pas.
34. Mais il pensera toujours
qu’il a reçu la charge de conduire des personnes
et qu’il devra en rendre compte.
35. Et si le monastère est pauvre,
cela n’est pas une excuse.
L’abbé se rappellera cette parole :
« Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice,
et Dieu vous donnera les autres choses en plus » (Matthieu 6, 33).
36. Et aussi :
« Rien ne manque
à ceux qui » respectent* Dieu avec confiance » (Psaume 33, 10).
37. L’abbé doit le savoir :
celui qui a reçu la charge de conduire des personnes
doit se préparer à en rendre compte.
38. Il peut être responsable de beaucoup de frères ou de peu.
En tout cas, c’est certain et il doit le savoir :
au jour du jugement,
il rendra compte de tous ses frères au Seigneur,
et de lui-même aussi, bien sûr !
39. C’est pourquoi, lui, le berger,
il craindra toujours l’examen qu’il passera un jour
au sujet des brebis que Dieu lui a confiées.
Ainsi, en faisant attention aux comptes qu’il va rendre pour les autres,
il devient attentif aux comptes qu’il va rendre pour lui-même.
40. En aidant les autres à se corriger par ses remarques,
l’abbé lui-même est amené à se » corriger* de ses défauts.
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