1er juin 2024.
Saint Justin est Syrien. Né dans l’antique Sichem, vers le début du second siècle, il nous a narré lui-même son périple :
« Je désirais fort entrer dans la société d’un philosophe. Aussi je me confiais à un Stoïcien. Après un certain temps passé auprès de lui, je m’aperçus que je n’en savais pas davantage sur Dieu. Il ne le connaissait pas lui-même et il ne pensait pas que cette science fût nécessaire. Je le quittais pour me rendre auprès d’un autre. On l’appelait un Péripatéticien ; il se croyait très fort. Il me supporta les premiers jours, puis il me demanda bientôt de nous entendre sur les honoraires pour que nos relations ne soient pas inutiles. Je l’abandonnais aussitôt pour ce motif, ne le prenant pas un instant pour un philosophe. Il me parut meilleur de m’adresser aux Platoniciens ; ils avaient en effet, un grand renom. Précisément venait d’arriver dans notre ville un homme intelligent, platonicien éminent. Je le fréquentais le plus possible, et je me mis à me développer, faisant chaque jour de nouveaux progrès. L’intelligence des choses incorporelles me captivait au plus haut point ; la contemplation des idées donnait des ailes à mon esprit. En peu de temps, je me croyais devenu un sage ; je fus même assez sot pour espérer voir immédiatement Dieu ; car tel est le but de la philosophie de Platon ».
Mais un jour, retiré dans la solitude, Justin rencontre un vieillard ; ils engagent la conversation. Celui-ci écoute sa profession de foi platonicienne, mais critique vigoureusement l’idée d’une immortalité de l’âme qui lui serait naturelle en vertu d’une parenté innée avec le divin. Il y oppose le dogme d’un Dieu Créateur. Justin est d’abord découragé de l’entendre mettre en pièces ses convictions platoniciennes. Son interlocuteur lui dit : « Bien des siècles avant tous ces prétendus philosophes, d’autres hommes ont vécu, des hommes heureux, justes et chers à Dieu, qui parlaient par l’Esprit Saint et rendaient sur l’avenir des oracles maintenant accomplis. On les appelle les prophètes. Seuls ils ont vu et annoncé aux hommes la vérité, sans égard ni crainte de personne. Ils n’obéissaient pas au désir de la gloire, mais ils ne disaient que ce qu’ils avaient entendu et vu, remplis de l’Esprit Saint. Leurs écrits subsistent encore : ceux qui les lisent peuvent, s’ils ont foi en eux, en tirer grand profit. Pour toi, avant tout, prie pour que les portes de la lumière te soient ouvertes, car personne ne peut voir ni comprendre, si Dieu et son Christ ne lui donnent de comprendre ».
De fait, la lecture de la Bible et la prière amèneront Justin à la foi chrétienne. Et lorsqu’il a pleinement embrassé cette foi, estimant avoir trouvé la vraie philosophie, il n’abandonne pas son existence philosophique. Portant toujours le pallium, c’est-à-dire le pauvre manteau dont les cyniques, ces philosophes populaires (…) avaient fait un uniforme. Tout d’abord, il adopte l’existence itinérante de ses premiers maîtres. Puis, sous Antonin le Pieux, il se fixe à Rome. Il y ouvre une école philosophique où le christianisme est proposé comme la vraie philosophie. (…)
Histoire de la spiritualité, I, p. 266 et s.