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6 octobre 2024.

27ème dimanche du Temps Ordinaire

Année B

Mc 10, 2-16

« Celui qui a renvoyé sa femme pour en épouser une autre est coupable d’adultère. Et si une femme a renvoyé son mari et en épouse un autre, elle est coupable d’adultère »

Cette parole que Jésus nous adresse ce matin est tellement claire et nette, qu’elle nous est douloureuse, car elle met devant nos yeux des situations humaines, celle de mon couple peut-être ou celle de tous les couples séparés qui existent dans nos familles ou parmi nos amis. Voilà qui nous oblige à creuser davantage ce matin, ce passage évangélique !

Frères et sœurs, aujourd’hui le Seigneur nous parle de l’amour qui dure et des conditions qui permettent à l’amour de durer toute une vie.

La clef de son argumentation est dans la première lecture, celle du Livre de la Genèse. Lorsque Dieu a créé Adam, il n’a pas créé un monsieur, il a créé un être qui n’est ni homme ni femme, il a créé l’être humain (Adam, en hébreu, le terreux, celui qui est fait de terre et du souffle de Dieu, un mot neutre qui n’est ni masculin ni féminin). Il lui a tout donné, il a voulu qu’il s’approprie toutes les créatures en leur donnant un nom, c’est-à-dire qu’il prenne possession de tout le créé.

Or, Adam, l’être humain, pourvu de toutes les richesses du créé, demeure seul, profondément seul, comme celui qui s’appuie sur ses richesses et qui n’est aimé de personne et qui n’aime personne.

Dans un second temps, pour réaliser pleinement son projet d’amour sur l’être humain, Dieu crée l’altérité, l’homme et la femme, ish et isha ; à ce moment-là, il y a le bonheur, la complémentarité, l’amour.

Que retenir de ce texte de la Genèse ? tout d’abord que l’homme et la femme sont profondément égaux ; même si l’homme est le chef du foyer, il n’est pas supérieur à la femme.

Egaux, chacun apporte à l’autre ce qui lui manque. La richesse de l’un a besoin de la richesse de l’autre. L’enfant a besoin pour grandir de la richesse de la paternité et de celle de la maternité.

Lorsque l’une des deux est absente, la richesse de la paternité se transforme parfois en dureté, en autoritarisme, en égoïsme ; la richesse de la maternité se transforme parfois en amour possessif, etc…

En reprenant le récit de la création, Jésus le fait sien. Il ne le cite pas exactement, mais il le recompose pour en faire son Évangile : c’est Dieu qui unit et tient ensemble dit-il ce qui est séparé, l’homme et la femme.

Les pharisiens qui entourent Jésus, lui posent alors une question piège : « est-il permis de renvoyer sa femme ? » …  Jésus n’y répond pas directement, il demande simplement si Moïse a promu le divorce et les pharisiens lui répondent qu’il s’agissait seulement d’une permission.

De fait, la loi de Moïse n’était pas une légalisation du divorce mais une protection de la femme rejetée, dans un contexte social où elle perdait tous ses droits ; la Torah qui veut protéger les plus faibles, protège la femme. Pour Jésus, la Loi de Moïse qui permet de répudier sa femme sous certaines conditions est présentée par Jésus comme une résultante de la dureté du cœur de l’homme… Il arrive parfois qu’en raison de la méchanceté de l’homme qui frappe sa femme et ses enfants, qui ne remplit pas ses devoirs fondamentaux, la femme quitte son mari ; il arrive parfois que la femme, malgré tous les efforts de réconciliation de l’homme, ne retourne pas au foyer conjugal et abandonne ses enfants, l’homme quitte alors sa femme. Mais ces situations inhumaines ne doivent pas faire oublier le projet du Créateur sur l’amour humain.

Sur ces entrefaites, on amène à Jésus des enfants pour qu’il les touche. Ses disciples les renvoient, et là, Jésus se fâche car, en agissant ainsi ils ne pourront jamais comprendre son enseignement sur le mariage et l’amour humain. Dans la vie, seul l’enfant ne revendique pas la maîtrise du monde, seul le bébé ne peut jamais dire à ses parents « je n’ai pas besoin de vous, partez ! », sans cesse, il reçoit sa vie des autres. Le Royaume de Dieu ne peut être donné qu’à leurs pareils, c’est-à-dire à ceux qui sont capables de recevoir des autres.

Ce qui confère leur unité aux déclarations de Jésus sur le mariage et sur les enfants doit être cherché dans l’ordre de la révélation et de la foi. Dieu est là qui travaille à faire venir son Règne et la réussite de l’amour humain passe par la disponibilité, la confiance et l’abandon. Dieu se fait connaître au-delà des limites humaines, en demandant à l’homme plus que prévu, à condition que l’homme ou la femme ne dise pas à son conjoint (ou à ses frères dans la vie monastique) : « je n’ai pas besoin de toi ! »

L’enseignement de Jésus ce matin sur l’indissolubilité du mariage et sur l’accueil de l’enfant, montre la nécessité de l’abandon spirituel et de la confiance au Christ qui a voulu être aussi un enfant pour assumer toutes les situations de vulnérabilité humaine. Il ne convient pas de rejeter ou de transformer, au nom de cette faiblesse, la Loi que Dieu nous donne, mais bien plutôt comme le petit enfant de continuer à espérer et à recevoir la vie des autres !

Aujourd’hui, ici, en Côte d’Ivoire, beaucoup d’amours humains échouent, beaucoup de couples se séparent, Jésus, ce matin, ne juge personne mais invite tout homme, toute femme, qui entend sa parole à ne pas perdre espoir en l’amour vrai, à ne pas s’enfermer dans ses échecs, à ne pas transformer l’ordre de la vie.

Frères et sœurs, ce n’est pas en voulant transformer les lois de l’Église que les hommes de ce temps seront rejoints par Dieu ; ce matin, que l’on soit marié, célibataire, divorcé ou remarié, laïc ou religieux, en plaçant côte à côte ces deux textes, celui sur l’indissolubilité du mariage et celui sur l’accueil des enfants, le Christ nous propose bien plus qu’un enseignement sur le mariage, il vient assumer nos histoires personnelles, nos fragilités, nos faiblesses, nos pauvretés, en nous aimant, en prenant chacun dans ses bras pour guérir ce qui est blessé en lui, ce qui est blessé dans nos couples et dans nos familles, pour réaliser des merveilles, non pas nos merveilles, non pas nos rêves égoïstes, mais ses merveilles à lui, celles de l’Amour éternel et absolu.