6 février 2025.
Commentaire RB 64, 16-21
16 Il n’est pas agité, il n’est pas inquiet. Il n’exagère pas les choses, il n’est pas têtu. Il n’est pas jaloux et il sait faire confiance aux frères. Sinon, il ne connaîtra jamais le repos.
17 Quand il commande, il prévoit et il réfléchit. Quand il donne des ordres au sujet des choses de Dieu ou des affaires de ce monde, il décide avec mesure.
18 Il pense à la conduite pleine de prudence de saint Jacob qui disait : « Si je fatigue mes troupeaux en les faisant trop marcher, ils vont tous mourir en un seul jour » (Gn 33, 13).
19 L’abbé imite cet exemple et d’autres exemples de prudence. En effet, la prudence est la mère des vertus. C’est pourquoi l’abbé commande tout avec mesure. Alors les forts veulent en faire plus, et les faibles ne se découragent pas.
20 Avant tout, l’abbé doit maintenir cette Règle en tous ses points.
21 Alors, s’il a bien fait son service, il entendra le Seigneur lui adresser la parole dite au bon serviteur qui a distribué la nourriture à ses compagnons quand il était à leur tête : « Oui, je vous le dis, le Maître lui confiera tous ses biens » (Mt 24, 47).
La discrétion, on dirait aujourd’hui le discernement, la mère des vertus, selon Cassien, encore appelée « la voie royale » dans un apophtegme que je cite ici :
Abba Joseph interrogea abba Poemen : « Comment faut-il jeûner ? » Abba Poemen lui dit : Pour ma part, je préfère que celui qui mange chaque jour mange peu, afin de ne pas se goinfrer ». Abba Joseph lui dit : « Lorsque tu étais plus jeune, ne jeûnais-tu pas deux jours de suite, abba ? Et le vieillard dit : » En vérité, même trois jours, et quatre, et toute la semaine. Et tout cela, les Pères l’éprouvèrent comme ils en étaient capables ; et ils trouvèrent préférable de manger chaque jour, mais en petite quantité ; et ils nous livrèrent la voie royale, qui est légère »… (Poemen, 31).
La « voie royale » du discernement est « légère » (ici à propos du jeûne fait avec modération), car elle permet aux forts de désirer et aux faibles de ne pas prendre la fuite. Sans cette voie royale, une vie en communauté n’est pas possible. Il s’agit de permettre à chacun de donner pleinement toute sa mesure, avec les forces qui sont les siennes.
Cela exige de l’abbé une attention réelle aux frères pour soutenir, encourager à progresser, sans les décourager. Les frères de leur côté, sont aussi appelés à un discernement continuel, pour reconnaitre les appels de l’Esprit à grandir et à se libérer des chaines petites ou grandes. Car qui peut prétendre être libre et exempt de progrès à accomplir ?
Discerner est un don du Saint Esprit qu’il nous faut tous demander, l’abbé et les frères. Le demander, c’est le désirer. Le désirer, nous met en disposition d’écouter la volonté du Seigneur, au jour le jour.
Le Seigneur ne nous attend pas pour réaliser des choses extraordinaires, mais pour faire celles qui contribueront à son dessein de salut pour nous et pour le monde. En vivant notre ministère de louange et de prière, en nous donnant dans le service humble de nos frères, en cultivant la gratuité et l’offrande cachée de nous-mêmes, nous vivons selon le commandement de l’amour de Dieu, premier servi, et de l’amour de nos frères. Quand nous recherchons cette « voie royale du discernement », nous apprenons à nous décentrer de nous-mêmes, pour nous tourner plus résolument vers le Seigneur, vers les autres… simplement comme de bons serviteurs.
9 septembre