6 août 2024.
Commentaire RB 7, 5-9
5 Alors, frères, si nous voulons parvenir au plus haut sommet de l’humilité, si nous voulons arriver rapidement à la magnifique hauteur du ciel, le seul moyen d’y monter, c’est de mener une vie humble sur la terre.
6 Pour cela, nous devons dresser l’échelle de Jacob et monter là-haut par nos actions. Oui, pendant qu’il dormait, Jacob a vu les anges descendre et monter le long de cette échelle (Gn 28, 12).
7 Descendre et monter, c’est sûr, voici ce que cela veut dire : quand on se fait grand, on descend ; quand on se fait petit, on monte.
8 Cette échelle qui est debout, c’est notre vie sur la terre. Et quand notre cœur devient humble, le Seigneur dresse notre vie vers le ciel.
9 A notre avis, les deux côtés de cette échelle représentent notre corps et notre âme. Il y a plusieurs échelons entre ces côtés. Ce sont les échelons de l’humilité et d’une bonne conduite. C’est Dieu qui les a fixés et il nous invite à les monter.
L’image de l’échelle que reprend ici saint Benoît est celle de l’échelle de Jacob dans le Pentateuque et elle a été souvent utilisée dans la vie monastique pour parler de l’humilité. On la retrouve chez Cassien, chez Evagre et d’autres.
L’homme humble, c’est celui qui espère Dieu malgré la fragilité de son humanité ; c’est celui dont la vie est plantée dans l’humus de la condition humaine, qui sait et qui connaît bien ses blessures, ses incapacités et ses faiblesses et pourtant il ose lever les yeux vers Dieu, il ose faire de sa vie (de son humanité) une échelle ouverte vers le ciel. Il sait que, sans cette présence, il ne peut rien faire de sa vie, alors il investit toute sa vitalité à ne jamais oublier ce que Dieu a fait pour lui et à lui être présent.
L’homme orgueilleux, c’est celui qui se laisse décourager par sa misère et par ses échecs ; désabusé sur lui-même, il ne croit plus que l’échelle est faite pour lui ; il se sait pauvre et il se replie sur lui-même. Il essaie de survivre en faisant ses quatre volontés.
Nous sommes bien souvent en même temps l’homme humble et l’homme orgueilleux, et parfois dans la même journée.
Ce qui est assuré, c’est que l’homme incarné, celui qui a les pieds sur terre, ce n’est pas celui qui se replie sur lui-même, c’est celui qui lève les yeux vers le ciel et qui ose espérer. C’est l’homme qui accepte ses limites et qui ose chercher Dieu sur cette terre.
Cassien, dans sa première Conférence, appelle l’audace de l’homme qui ose faire de sa pauvre vie une montée vers Dieu, la « pureté du cœur ».
On peut avoir le cœur pur, même si l’on commet des impuretés, à condition que l’on se retourne sans cesse vers Dieu. Le moine, cet être fragile ose espérer, ose désirer la présence de Dieu, et, ce seul désir, lui obtient la pureté du cœur, c’est-à-dire l’anticipation du ciel.
C’est cela notre vie : une existence bien incarnée qui désire la présence de Dieu, la présence à Dieu ; chaque fois que nous y parvenons, nous faisons descendre le ciel sur la terre. C’est là une bonne nouvelle pour nous, pour notre communauté et pour tous les désespérés de la terre !
Ce chapitre nous invite à accueillir nos fragilités, à accueillir les fragilités de nos frères et celles de notre communauté (à ne pas rêver d’une communauté dont l’échelle serait plantée directement dans le ciel) … mais aussi à accepter les conséquences de cette réalité : nos échecs, les blessures et les humiliations que nos frères nous font subir à cause de leurs propres faiblesses et de leurs propres blessures. C’est cela la vie de l’homme qui, sur terre, ose espérer malgré tout en l’amour de Dieu pour tous les hommes… même pour moi, même pour le dernier des derniers.
6 décembre