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4 Août

4 août 2024.

18ème dimanche du Temps Ordinaire – Année B (Jn 6, 24-35)

Frères et sœurs, dans cet évangile, deux mots ont retenti à plusieurs reprises, comme en refrain.

Le premier mot, c’est « pain » que nous avons entendu six ou sept fois.

Le deuxième mot, c’est un mot un peu vague aujourd’hui, assez inhabituel, presque démodé, le mot « œuvre », « œuvre de Dieu » ; mais pour nous éclairer, nous avons entendu plusieurs fois aussi le verbe qui lui correspond, de la même racine en grec, et ce verbe, nous le comprenons très bien : « travailler », « travailler pour de la nourriture » ; nous savons très bien ce que cela veut dire : travailler pour gagner son pain.

Au cœur de cet évangile, il y a la question cruciale des hommes et des femmes de tous les temps : la nécessité de travailler pour gagner son pain. C’est une question importante, une question qui peut parfois dévorer le cœur de l’homme, devenir obsessionnelle, prendre tout l’horizon, se mettre à recouvrir et à cacher toutes les autres, et pas toujours pour notre bonheur.

Un philosophe nous met en garde : « chacun doit gagner sa vie, tout en risquant de perdre sa vie à la gagner. » (Georges Gusdorf)

Oui, on peut perdre sa vie à trop vouloir la gagner. Seulement c’est souvent après coup qu’on s’en rend compte, quand il est trop tard !

Ce matin, vous qui êtes venus prier dans un monastère, vous êtes venus dans un lieu où ceux qui y vivent ont choisi une très étrange manière de gagner leur pain !

Le monastère des frères de Bouaké est rattaché par son histoire à l’Abbaye d’En Calcat en France, c’est-à-dire à une communauté dont la particularité est ce qu’on appelle « l’Œuvre », avec un grand O.

De quoi s’agit-il ? A Bouaké, comme à En Calcat, il s’agit de frères et de sœurs, de moines et de moniales, qui veulent laisser tout faire à Dieu, laisser Dieu faire tout ce qu’il veut dans leur vie, dans leur corps, dans leur cœur, laisser se développer une « vie intérieure » !

Pour Mère Marie Cronier et Dom Romain Banquet, nos fondateurs, ce mot d’œuvre ne venait pas de nulle part, car « l’œuvre de Dieu » dans la Règle de saint Benoît désigne l’office, la prière liturgique qui tisse la journée du moine. Il s’agit bien de prière, d’une prière continuelle, qui est une nourriture pas comme les autres, et pourtant vitale ; ce n’est pas notre action à nous qui se révèle nourrissante, c’est celle de Dieu en nous, et c’est très différent. Dieu EST en vérité Celui qui travaille vraiment, qui agit pour de bon, qui crée ; Jésus déclare dans l’évangile, peu avant notre passage : « Mon Père est toujours à l’œuvre, et moi aussi, je travaille ».

Alors cela ne dispense pas d’être très actif, d’être un bon artisan à la porterie, au poulailler, à la sacristie, à la confiturerie et dans de multiples services… Mais avec cette certitude tranquille que ce travail-là n’est qu’une porte ouverte sur la seule œuvre qui compte, l’œuvre intérieure, là où nous sommes nous-mêmes travaillés par l’Esprit saint, transformés, accueillis, réparés aussi, et peut-être broyés comme le blé sous la meule, et aussi mouillés par les larmes et pétris dans la pâte communautaire, et cuits au feu de l’épreuve, et donnés à manger aux autres, comme Jésus qui se donne…

« Que faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ?’ Jésus leur répondit : ‘L’œuvre de Dieu, c’est que vous CROYIEZ en celui qu’il a envoyé’. »… L’œuvre de Dieu, c’est la FOI ! 
Un mot difficile, redoutable : la « foi » ! Qu’est-ce que c’est, la foi ? Non pas un ensemble de propositions intellectuelles auxquelles il faudrait adhérer, et signer en bas, non ! Le credo en est sûrement la charpente, mais le squelette n’est pas le corps, la chair, la vie.

La chair de la foi, la vie de la foi, c’est plutôt « une espèce de savoir, au profond de nous, que Dieu nous aime ». La foi, c’est une conviction qu’on attrape au contact de Jésus lui-même, comme par contagion. C’est en fréquentant Jésus, sa parole et ses amis qu’on attrape la foi, pas autrement !

Et cette chair de la foi a besoin de nourriture, elle se nourrit. Par le contact de Jésus, par la prière, et puis aussi par l’eucharistie, ce pain partagé que Jésus nous a laissé comme signe de sa présence éternelle avec nous, parmi nous, et agissant en nous.