30 juin 2024.
Homélie
Ce récit évangélique est très bien construit. Presque chaque détail y est chargé d’une signification symbolique ; et nous n’en percevrons certainement pas tout le message, si nous le lisons simplement comme une belle « histoire ». L’histoire n’est là que pour servir de support au message ; et ce message concerne la vie, sa restauration et son entretien.
Ce n’est pas par accident que l’on a ici deux récits en un ; et il n’y a pas de raison sérieuse de penser que les deux événements soient arrivés en même temps et le même jour. Les deux récits sont réunis parce qu’ils ont beaucoup en commun et véhiculent le même message.
Il s’agit, dans chaque cas, d’une femme. Évidemment, la femme a une relation très spéciale à la vie. Elle donne la vie à son enfant après avoir pris soin de cette vie nouvelle dans son sein durant neuf mois, et elle continue d’en prendre soin encore longtemps après la naissance. Dans la culture sémitique, donner la vie était pour une femme l’honneur le plus élevé aussi bien que le devoir le plus important. Et, bien sûr, chaque femme juive nourrissait le secret espoir d’être elle-même la mère du Messie.
Les deux femmes de notre évangile ont en commun d’être privées de la possibilité de remplir ce devoir et de recevoir cet honneur — la première à cause de sa mort à l’âge de douze ans — âge de la puberté légale, et âge auquel la jeune fille juive était ordinairement donnée en mariage (il ne s’agissait donc pas d’une « enfant », mais d’une jeune femme nubile) — ; la seconde à cause de son type d’infirmité (dont elle était affligée depuis douze ans — le chiffre est à remarquer) qui la rendait impure selon la Loi, et excluait donc pour elle tout contact avec les hommes et la privait de la possibilité d’être mère.
Elles sont, toutes deux, rendues par Jésus à la plénitude de la vie, à leur pleine féminité, et sont donc rétablies dans leur rôle de donatrices potentielles de la vie. En les guérissant, Jésus se révèle lui-même comme celui qui rend la vie. Le plus ancien titre du Christ, dans l’Église syriaque était « celui qui donne la vie » ? Lorsque Jésus, à la fin du récit, commande de donner à manger à la jeune femme, il se révèle aussi comme celui qui nourrit la vie. Il est celui qui donne et restaure non seulement la vie « spirituelle », mais la vie « humaine », une vie qui est à la fois physique, psychique et spirituelle.
En faisant cela Jésus nous rappelle la beauté et la valeur de la vie — de toute forme de vie : la vie belle, charmante et fragile d’un enfant en pleine santé aussi bien que celle d’une personne âgée et malade. Jésus se préoccupe de toutes les formes de vie, et dans toutes les situations : il se préoccupe de la vie violemment arrêtée de l’embryon humain, mais aussi de celle des enfants mis au monde mais qui ne peuvent se développer normalement par suite du manque de nourriture, d’habitation, d’instruction, de travail ou d’autres opportunités normales. Il se préoccupe de la vie des personnes prises en otage, comme aussi de celle de nations entières retenues otages des calculs politiques et économiques. Il se préoccupe aussi de la vie des personnes bien nourries et ne manquant d’aucun bien matériel mais qui ne parviendront jamais à pleine maturité par suite du manque d’amour, de compréhension, de compassion, de pardon.
Dans l’évangile d’aujourd’hui Jésus nous est révélé comme celui qui donne et qui nourrit la vie, toutes les formes de vie. Nous tous, jeunes ou vieillards, mariés ou célibataires, sommes appelés, à l’exemple du Christ et chacun selon notre façon propre, à donner la vie, à la nourrir et, le besoin échéant, à la rétablir.
Et c’est parce que nous croyons en cette mission reçue du Christ, en qui nous partageons la même foi, que nous voulons, encore ce matin, recevoir ensemble le Pain de la Vie, le Sang de la Vie.
J’aime à me redire que ce corps de Jésus d’où sortait une force capable d’atteindre les autres corps est toujours présent parmi nous : dans l’eucharistie, où nous pouvons le toucher infiniment mieux que par la frange de son vêtement.
C’est certainement une des choses les plus précieuses que les chrétiens aient le droit et le devoir de proposer aux autres hommes, s’ils aspirent à parvenir un jour à un partage fraternel.
15 septembre