21 août 2024.
Commentaire RB 7,62-66 (12ème degré d’humilité)
62 Le douzième échelon de l’humilité pour un moine, c’est non seulement d’être humble dans son cœur, mais encore de le montrer à tout moment dans son attitude devant ceux qui le voient vivre.
63 Pendant le Service de Dieu, à l’oratoire et dans le monastère, au jardin et en chemin, dans les champs et partout où il se trouve, assis, debout ou en marche, le moine a toujours la tête penchée et il regarde vers la terre.
64 A tout moment, il se juge coupable de ses péchés. Il pense qu’il est déjà devant le terrible tribunal de Dieu.
65 Dans son cœur il répète les paroles du publicain de l’Évangile. Il disait en gardant les yeux fixés vers la terre : « Seigneur, je ne suis pas digne de lever les yeux vers le ciel, parce que je suis un pécheur » (Luc 18, 13).
66 Avec le Prophète il dit aussi : « Je me tiens courbé et je me fais tout petit » (Psaume 37, 7 et 9).
Au terme de ce long chapitre, au moine en quête de l’humilité, est proposée la figure du publicain priant au temple, avec humilité, et se reconnaissant indigne de lever les yeux au ciel. Figure magnifique qui va inspirer des générations de moines en leur apprenant, avec l’humilité, la prière du cœur, exprimée le plus souvent sous la forme : « Jésus, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur ».
Tout se passe comme si la pédagogie de ce chapitre consistait à entrer dans l’attitude du publicain. En effet la première phrase du chapitre de l’humilité : « quiconque s’élève sera humilié et qui s’humilie sera élevé » est la conclusion de la péricope du pharisien et du publicain (Lc 18,14). Ainsi tout le chapitre de l’humilité est pris entre ces deux références à la parabole du pharisien et du publicain. Après en avoir montré la finalité, s’abaisser pour être élevé, Benoit entraîne le moine de degré en degré, à entrer dans les dispositions de cœur du publicain, pour en épouser jusqu’à l’attitude extérieure.
Il n’est pas rare qu’une des principales tentations du moine soit le pharisaïsme. Tentation de vouloir s’appuyer sur ses bonnes œuvres, celle de la régularité de sa vie et de son observance vertueuse pour se sentir quelqu’un devant Dieu. Tentation aussi de regarder les autres de haut, avec une pointe de mépris.
Face à ses tentations possibles, il est encore une autre tentation plus subtile qui est de dévaloriser la discipline monastique, en ne la prenant pas au sérieux, et en s’octroyant des facilités pour ne pas tomber dans le piège du pharisaïsme.
Telle n’est pas la voie que St Benoit propose. Loin de dévaloriser l’exigence monastique, il invite à descendre toujours plus profondément en son cœur, en profitant de toutes les difficultés pour apprendre à ne pas prendre appui sur soi-même, mais sur le Christ humble et humilié. De degré en degré, le moine est invité à se détacher du souci de soi, de son image, pour se tourner plus en vérité vers le Christ en son mystère pascal. Lui seul rend libre. Lui seul justifie. De la conscience d’être quelqu’un, à la conscience d’être un pécheur justifié, sauvé et aimé, tel est la voie de bonheur que veut ouvrir la quête de l’humilité. Car en se reconnaissant pécheur, sans affectation, le moine libère en lui des capacités d’aimer nouvelles, que sa suffisance lui interdisait.
Commentaire RB 4, 46