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Solennité de la Toussaint

Année B

Mt 5, 1-12a

« Une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, de toutes nations, races, peuples et langues. » La foule immense des bienheureux. C’est cette fresque gigantesque, impossible à décrire, impossible à contenir, que la fête de la Toussaint cherche à déployer sous nos yeux. Serait-elle donc la fête la plus grandiose et la plus somptueuse de toute l’année liturgique ?

La question se pose, et ces deux mots collés l’un à l’autre : TOUS et SAINT, peuvent nous mettre sur la piste. La Toussaint est la célébration anticipée de l’achèvement de l’histoire ; de ce jour où, tous, ensemble, nous serons saints. Tous, et saints. La totalité et la sainteté. La totalité et la sainteté réunies. La totalité… de l’humanité, et la sainteté… de Dieu, puisqu’il est le seul saint et la source de toute sainteté.

Quand nous le verrons tel qu’il est, sa sainteté rayonnante nous illuminera tous ; elle sera comme un jour sans déclin. Et, puisque nous y serons tous, ce sera une véritable plénitude. Totalité et sainteté seront réunis pour toujours : ce sera la Toussaint véritable.

Alors, oui, on peut dire que cette fête de Toussaint est la plus grandiose de l’année liturgique. On ne peut rien imaginer de plus spectaculaire, de plus grand, que la sainteté répandue en tous. « Tous-saints », quand on a dit ça, on a dit le maximum de tout ce qui pouvait être dit. Et les textes liturgiques de ce jour nous le confirment : comme nous le dirons tout à l’heure dans la préface, la Toussaint « célèbre la Jérusalem d’en-haut où nos frères les saints chantent sans fin la louange de Dieu » elle est donc bien la célébration anticipée de l’achèvement et de l’accomplissement de l’Histoire.

Toutefois… il ne faudrait pas oublier que la Toussaint, si belle et si lumineuse soit-elle, n’ajoute rien à la seule vraie fête qui contient déjà la totalité de la sainteté : Pâques !

Ces myriades de petites lumières que représente la multitude des bienheureux, n’ajoutent rien à la victoire du Christ ressuscité. Puisque, tout a été créé dans le Christ, et que, sans lui, en dehors de lui, rien n’existe ; sa victoire à lui, de Ressuscité, est déjà la Toussaint. Pâques contient déjà les prémices de l’entrée en gloire de l’univers transfiguré. Sans Pâques, nous ne pourrions pas fêter la Toussaint. Pâques contient déjà la Toussaint en germe.

Cette Bonne Nouvelle inouïe est peut-être l’article le plus difficile à recevoir de la foi chrétienne : que l’événement pascal, ce qui est arrivé à un homme particulier il y a 2000 ans, puisse concerner l’univers entier de façon aussi décisive, cela est bien difficile à admettre.

Il se peut que cela nous heurte. Au point que nous pourrions ne plus nous sentir concernés, tellement tout cela s’est fait sans nous, malgré nous, et parfois même contre nous quand nous nous rangeons du côté du péché. Effectivement, nous pourrions ne pas nous sentir concernés du tout…

Aussi, je voudrais reprendre quelques mots de la seconde lecture, la lettre de saint Jean, parce qu’elle part précisément de ce désarroi de notre condition actuelle : « ce que nous serons n’a pas encore été manifesté », « cela ne paraît pas encore clairement » ! Elle dit encore : « le monde ne nous connaît pas », le monde ne nous reconnaît pas comme enfants de Dieu… Là nous sommes bien d’accord : la différence entre les enfants de Dieu et les autres n’est pas photosensible ; à l’œil nu, on ne voit rien !

Mais la Lettre affirme et c’est la finale de notre passage, et c’est au présent, c’est pour aujourd’hui, sans attendre : « quiconque met en lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur ».

Laissons-nous percuter par cette dernière phrase !

Il s’agit de « quiconque », « tout homme », donc, oui : pourquoi pas moi ?
Et que lui arrive-t-il, à ce quiconque ? Il « se rend pur comme lui-même est pur ». L’on pourrait traduire aussi légitimement : « saint, sainteté » : « quiconque met en Lui une telle espérance se rend saint comme lui-même est saint ». Nous y sommes, nous voilà à la fête du jour !
Ce « Lui », ce « Lui-même », dans la Lettre de saint Jean, c’est le Fils de Dieu, Jésus.
Se rendre saint de la sainteté même du Fils de Dieu !?

Mais comment faire cela ?

C’est le plus étonnant ! Presque rien à faire : « mettre en lui une telle espérance » ! « Quiconque met en lui une telle espérance se rend saint comme Lui-même est saint ! »
Jusqu’à présent, notre « sanctification », nous la placions plutôt dans le faire, dans les « œuvres », au mieux dans la foi » …

Mais là, ce que dit saint Jean, se laisser sanctifier par l’espérance, la petite espérance de rien du tout, comme en parlait Charles Péguy !?

Frères et sœurs, regardons avec un peu de lucidité notre monde. Que font les meilleurs d’entre eux, les plus doués, les plus entreprenants ?

Ils agissent et ils font des projets. Des projets à court terme, parfois à moyen terme, mais rarement à long terme. Et nous, c’est pareil !

Pourquoi pas à long terme ?

Parce que « à long terme nous sommes tous morts ! »

Alors voilà ! La voilà, cette minuscule espérance qui seule permet de faire des projets à long terme, des projets au-delà de la mort !

Précisément ici, là, dans ce très long terme où nous sommes tous morts, comme une minuscule ouverture à maintenir absolument, espérer pour après, espérer pour toujours…

Si nous osons espérer, heureux sommes-nous, parce que, alors, comme Jésus le disait, rien de ce qui fait souffrir les hommes n’a le dernier mot : ni la pauvreté, ni la faim, ni les larmes, ni l’injustice, ni la persécution… Aucun des avatars de la mort n’a le dernier mot. Et notre vie en est complètement transformée.

Ainsi la minuscule espérance nous sanctifie : elle ne repose pas sur nous, sur nos capacités, sur nos exploits, elle repose sur Lui et Lui seul, Jésus Ressuscité, le Fils de Dieu. C’est Lui qui le fera, mais c’est notre vie qui en est transformée dès aujourd’hui, rendue sainte comme Lui-même est saint.

Quel soulagement alors de découvrir que ce chemin est accessible à tous ! Quelle révélation ! Aucun équipement spécial, aucune qualité particulière, aune richesse n’est donc nécessaire pour s’avancer sur ce chemin. Aucune raison ne peut être un mauvais prétexte pour esquiver l’appel à la sainteté, puisque ce sont les pauvres, ceux qui pleurent, ceux qui ont faim, qui sont les premiers de cette grande colonne de marcheurs vers la sainteté. Autrement dit : chacun de nous, s’il le veut bien.

Tel est l’immense désir du Christ qui est de nous faire entrer tous ensemble dans sa propre sainteté, afin que nous soyons TOUS-SAINTS. Amen !