01 août 2024.
Commentaire RB 5, 1-5
1 Le premier échelon de l’humilité, c’est d’obéir tout de suite.
2 Obéir de cette façon convient à ceux qui pensent : nous n’avons rien de plus cher que le Christ.
3-4 Dès qu’un supérieur leur commande quelque chose, ils ne peuvent pas attendre pour obéir. C’est comme si Dieu lui-même leur commandait. Ils font cela à cause du service saint qu’ils ont promis, ou bien parce qu’ils ont peur de souffrir loin de Dieu pour toujours, ou bien parce qu’ils espèrent la gloire de vivre avec lui pour toujours.
5 Le Seigneur parle d’eux quand il dit : “Dès que son oreille a entend, il m’a obéi”(Psaume 17, 45).
« L’obéissance convient à ceux qui estiment n’avoir rien de plus cher que le Christ. »
Ce verset revient deux fois dans la Règle : ici et dans le chapitre sur l’obéissance mutuelle (RB 72).
Le sens de cette formule, il semble que Benoît l’ait emprunté à saint Cyprien qui est, après saint Augustin, son théologien préféré :
« Ne rien préférer au Christ (Christo omnino nihil praeponere), car il nous a préféré à lui. À son amour s’attacher inébranlablement ; à sa croix se lier indissolublement » Cyprien, L’oraison dominicale, 15.
Pour Benoît, l’obéissance s’adresse à tous les moines, car, tous, quelle que soit leur vie, s’ils veulent tenir, ils doivent « estimer n’avoir rien de plus cher que le Christ ».
Pour Benoît, la possibilité d’aimer le Christ n’est pas empêché par un vague sentiment de liberté intérieure qui serait le mien aujourd’hui : je peux me sentir comme un bout de bois dans ma lectio ou dans mon oraison, je peux avoir le sentiment que j’avance dans la vie monastique comme un bœuf ; je peux me percevoir comme un étranger dans la communauté ; ou bien, au contraire, être dans une période de grâce et d’union à Dieu, peu importe ! Quelle que soit ma situation du moment, l’obéissance est possible pour moi, elle me libère de mes assujettissements et peut-être aussi de ma tristesse.
Pour Benoît ce n’est pas la vertu qui est le point de départ de l’obéissance, mais l’amour. Un auteur anonyme du Moyen Age écrivait que si nous attendons d’être parfait pour commencer à aimer, nous n’aimerons jamais. L’amour est à la portée de tout le monde, c’est pour cela que Jésus nous annonce que les prostituées et les publicains entreront avant nous dans le paradis.
Pour Benoît, l’homme peut donc être encore pécheur, dans « la paresse de la désobéissance » et « n’avoir rien de plus cher que le Christ ». L’opposition n’est paradoxale qu’en apparence, en fait, elle est dynamique.
Si j’accepte de croire que, malgré mon péché, malgré mes blessures, le Seigneur me fait la grâce de l’aimer et d’être attaché à lui, alors je deviens vraiment humble et capable d’espérer et d’aimer !
Lorsque nous laissons notre misère nous envahir, lorsque nous portons sur nous-mêmes un jugement implacable et terrible, nous ne pouvons plus aimer, nous ne pouvons plus obéir, nous nous durcissons dans la peur : peur de Dieu, peur de l’abbé, peur du frère, peur du pauvre !
Chacun de nous est un pauvre moine, mais chacun de nous aime le Christ, c’est un don qui nous est fait ; il ne faut pas trop vite l’évaluer en fonction de nos mérites. Cela n’a pas grand-chose à voir !
C’est là un point important dans la vie spirituelle ; n’oublions pas que saint Benoît au chapitre 4, après nous avoir indiqué 73 instruments auxquels il nous faut obéir pour devenir moine, il conclut par cette maxime : « Ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu ».
Pour aimer, il suffit d’avoir besoin de l’autre, il suffit d’être petit et pauvre. La condition pour l’obéissance, c’est d’être un homme qui a besoin d’être aidé, qui a besoin des autres et qui espère quelque chose de Dieu, de l’abbé, de ses frères et du pauvre qui frappe à sa porte.
Commentaire Règle de saint Benoît 1,1-2