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12 février 2025.

Mercredi de la 5ème Semaine du Temps Ordinaire

Mc 7, 14-23

Cœur pur, cœur impur… Cette question est le thème fondamental de l’Évangile d’aujourd’hui, elle revient aussi à plusieurs reprises dans la bouche de Jésus. La pureté du cœur est aussi une quête fondamentale dans la tradition monastique. Saint Jean Cassien (moine du IVe–Ve siècle) en a même fait le thème majeur de sa réflexion.

Regardons de plus près sa doctrine.

Pour Cassien, la pureté de cœur est le fait de celui qui est parvenu à la maîtrise des pensées ; or, celui-ci n’est pas un héros, il est – dit Cassien –  « simple » et « humble ».

La pureté du cœur est l’attitude fondamentale, la porte d’entrée dans la prière, le socle fondamental sur lequel se construit « la tour des vertus » de Cassien, car cette tour n’est pas une conquête de la volonté, mais l’humble remise de soi entre les mains de celui qui peut réaliser la sainteté dans nos vies, en un mot, le « Lâcher prise » !

Pour lui, la rencontrer avec le Christ dans la prière, le Christ qui vit aujourd’hui dans la gloire, n’est possible que dans l’expérience de l’humilité, c’est-à-dire de l’abandon spirituel. Pour mener ce combat, un verset de psaume est proposé au croyant pour être répété à l’envi : « Dieu, viens à mon aide, secours-moi ! » (Ps 69,2).

La répétition de ce verset chasse les autres pensées et favorise le maintien du cœur en présence de Dieu. Il convient à la situation de celui qui est dépouillé de tout, qui se découvre perdu et sans appui. Il rend fort l’homme qui trouve en Dieu son appui, tout en laissant pauvre et démuni celui qui le prononce : « par cette voie, notre âme parviendra à la pureté de la prière ».

Le corollaire du « lâcher prise » est le respect du corps. Le moine ne doit pas mener un combat « contre » son corps, en le traitant comme son ennemi. Une volonté de maîtriser les forces de la vie ne peut pas s’obtenir par le mépris du corps, pas plus que par l’impatience.

À la racine de ce combat pourtant violent, il y a la douceur. La béatitude du Christ est placée à la tête de tous les instruments spirituels : « Heureux les doux, ils obtiendront la terre promise ».

« Pour pouvoir posséder la terre de notre corps, c’est-à-dire pour soumettre à notre empire la terre rebelle de notre corps, il faut fondre notre âme en la douceur de la patience. »

C’est donc à un paradoxe qu’en appelle ici la tradition monastique : tenir ensemble « les voies dures et les préceptes du Seigneur » et « la douceur inaltérable de la patience ».

Cassien s’appuie sur l’Écriture pour montrer que la patience est le meilleur remède pour le cœur humain : « l’homme doux est le médecin du cœur ». Cette douceur est pour lui la condition de l’obtention de la chasteté.

Posséder la terre de son cœur est la définition ultime de la vraie paix, accordée à l’homme humble, à celui qui a été souvent vaincu dans son combat.

Peu à peu, à force de tomber, il apprend à se tourner vers Dieu et à crier vers lui. Il sait désormais que Dieu est son seul Sauveur. Ce sont ces situations alternatives de paix et de combat spirituel qui désarment l’homme et le conduisent à l’abandon spirituel.

Cassien se refuse à donner une théorie universelle sur les questions affectives et sexuelles ; seule une longue expérience de l’homme et la découverte progressive de la pureté du cœur permettent à chacun de pénétrer en ce lieu si intime, si particulier, à « ces confins de la chair et de l’esprit » et à se situer sur cette question de la chasteté. L’auteur insiste sur l’expérience personnelle, c’est elle qui servira à l’homme de « juste balance ». Ce long apprentissage ne suffit cependant pas, il doit être éclairé par la Parole de Dieu « qui place l’homme au cœur de lui-même ». C’est la Parole de Dieu qui apprend à l’homme à distinguer ce qui relève en lui de la nature humaine, des mauvaises habitudes ou de la négligence de la vie quotidienne.

Entendue de la sorte, Cassien présente la chasteté comme une réalité plus vaste que la seule continence, elle relève du désir de Dieu et de son amour. Seul celui qui aime la chasteté peut la trouver :

« Elle est le fait de ceux que la grâce divine a pénétrés jusqu’aux moelles de l’amour de la chasteté ».

Benoît, dans sa Règle, reprend l’expression de « l’amour de la chasteté » ; il a la même conception de la chasteté et de la pureté du cœur que Cassien.