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Samedi de la 13ème Semaine du Temps Ordinaire (Mt 9, 14-17)

6 juillet 2024.

Mt 9, 15 : « Est-ce que les gens de la noce pourraient mener le deuil tant que le marié est là avec eux ? Mais viendront des jours où leur aura été enlevé le marié, et alors ils jeûneront. »

Jésus n’est jamais présenté comme un mari, engagé avec sa femme dans la longue et patiente aventure de l’amour conjugal, mais comme un marié, numphios, en train de faire la fête avec ses amis à l’occasion de ses noces. Quant à la mariée, la pauvre, elle n’est même pas mentionnée.

Je crois que cela met dans sa juste perspective la maxime de Jésus sur le jeûne. C’est un proverbe, tout à fait du même genre que le précédent sur « ceux qui ont besoin de médecin », une vérité générale et incontestable concernant un fait de la vie courante.

Je la reçois à peu près comme ceci : « Comment pouvez-vous demander à des gens qui sont de noce de faire pénitence ? Attendez donc un peu ! La noce finira ; le signe en sera que le marié quittera la compagnie. Alors, oui, on pourra reparler d’austérité sans tomber complètement à côté. »

Ce qui est intéressant là, c’est que la vie des disciples autour de Jésus durant cette phase de son ministère, cette vie itinérante où personne ne savait « où il reposerait sa tête », est présentée par Jésus comme une fête entre les fêtes. Et cela pour une seule raison : sa présence à lui, Jésus, le marié, le personnage sans lequel il n’y aurait pas de prétexte à se réjouir.

Jésus avait-il quelque chose de précis en tête, en parlant du moment où la fête serait finie et le marié enlevé à ses compagnons ? Ou, quand les Évangiles furent mis par écrit, a-t-on voulu voir rétrospectivement dans cette phrase une prédiction, et de quoi ? de la Passion ? de l’Ascension ?

Pour les chrétiens d’aujourd’hui, ce n’est pas tout à fait une question vaine.

Si l’enlèvement de Jésus visé par notre texte est sa mort (comme dans la prophétie d’Isaïe sur le Serviteur (Is 53, 8), appliquée à Jésus dans les Actes des Apôtres, (Ac 8, 33), alors, depuis sa résurrection, il n’est plus absent et le temps du jeûne est définitivement terminé : «Vous ne me verrez plus, puis vous me reverrez… et votre affliction se tournera en joie » (Jn 16, 16.20) ; et « Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde ».

Si, en revanche, l’enlèvement prédit par Jésus est son Ascension (comme dans les Actes 1, 9), alors nous sommes en plein dans le temps dont il a dit : En ces jours-là, ils jeûneront.

Si nous jeûnons, ne méprisons-nous pas la présence de Jésus ? ne nions-nous pas pratiquement sa résurrection ? Si nous ne jeûnons pas, ne faisons-nous pas bon marché de son absence ? ne nous conduisons-nous pas comme des gens à qui c’est bien égal de l’avoir ou non ?

Ce débat exégétique met en évidence le caractère paradoxal et ambivalent de notre situation par rapport à Jésus en ce temps qui est le nôtre : temps de présence et d’absence à la fois, donc temps de noce et temps de jeûne.

Quand on est quelqu’un pour qui la présence ou l’absence de Jésus est un élément déterminant du paysage mental, on oscille sans repos entre la joie et la désolation, le plaisir et le désir ; saint Bernard savait dire cela dans un langage irrésistible.