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03 novembre 2024.

31ème dimanche du Temps Ordinaire

Année B

Mc 12, 38b-34

Aujourd’hui, Dieu nous invite à nous tourner vers lui pour l’écouter, à nous décentrer de nous-mêmes pour l’aimer. Je vous propose d’accueillir son invitation : écoutons-le. Il vient, il veut entrer dans nos vies. Il veut nous décharger du poids de nos vies, accueillons-le, il est doux et humble de cœur.

Quel est le premier de tous les commandements, demande le scribe ? On suppose ici que les 365 défenses (autant que les jours d’une année) et les 248 commandements positifs (autant que les os du corps humain) de la Loi de Moïse ne sont pas simplement juxtaposés mais qu’il existe entre eux un ordre. Parler du plus grand commandement comme Jésus en parle cela signifie au fond, que la volonté de Dieu ne nous accable pas sous une multiplicité opprimante et déconcertante de commandements, mais qu’elle est finalement une : tous les énoncés particuliers de la volonté de Dieu sont suspendus à cette unique volonté fondamentale, en surgissent et sont enfermés en elle.

Jésus rappelle les premières phrases de la prière que le Juif récitait matin et soir comme une confession de foi monothéiste : … Ecoute, Israël ! Le Seigneur notre Dieu est un Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute la puissance de ton âme et de tout ton pouvoir.

Parce que Dieu est unique, il suscite notre amour et la force de notre amour. Cette réponse aurait pu suffire, le scribe ne demande-t-il pas : quel est le premier commandement ? Mais Jésus poursuit et ajoute le précepte de l’amour du prochain emprunté au Livre du Lévitique à celui de l’amour de Dieu.

Aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force et aimer son prochain comme soi-même, ces deux commandements ne font qu’un… Comment comprendre que ces deux commandements ne font qu’un ? Comment comprendre que Dieu et l’homme aient partie liés au point que l’amour du prochain soit indissociable de l’amour de Dieu ?

Ces deux commandements ne font qu’un parce que Dieu s’est fait homme en tout semblable à nous. Parce qu’un de la Trinité, parce que le Fils de Dieu a pour toujours un visage d’homme, l’homme – tout homme – a pour toujours le visage de Dieu. Voilà pourquoi l’amour de Dieu passe par l’amour du frère. Parce que pour le chrétien, la rencontre avec Dieu passe essentiellement par sa rencontre avec le frère, la vision de l’homme qui traverse l’Évangile amène à porter un regard spirituel sur le monde. Le chrétien se révèle ainsi comme un frère universel qui reconnaît en tout homme le visage de son Dieu.

Écoute Israël ! Pour pouvoir aimer, il faut commencer par écouter, par accueillir cet amour premier de Dieu pour moi. Il faut s’être profondément plongé dans la contemplation de la face et des gestes de l’amour crucifié, s’être laissé attirer par celui qui a été élevé sur le bois de la Croix, pour devenir capable d’aimer, c’est-à-dire pour devenir capable de tout excuser, de faire confiance à tout homme, d’espérer en tout homme, de supporter tout homme.

Le regard du croyant sur le Christ est premier, ce regard est humain. Aucun autre ne devra lui être préféré, en ce sens qu’il oriente tous les autres. La révélation première du Fils permet de comprendre, c’est-à-dire d’entrer, dans le mystère du don et du dépouillement : le Christ sauve le monde par une mort dans la faiblesse. Le chrétien ne pourra rejoindre son frère que s’il a fait l’expérience d’être sauvé ainsi. Voilà pourquoi la recherche de Dieu ne peut plus être vécue, séparée de l’amour du prochain :

« Le regard de l’amour chrétien est plein de foi et de contemplation croyante ; la lumière allumée dans ce regard fait s’illuminer aussi dans l’objet de l’amour, c’est-à-dire dans le prochain, la profondeur surnaturelle : ce pécheur, cet homme antipathique est en réalité mon frère, quelqu’un dont la faute comme la mienne a été portée par  Jésus (de telle sorte que nous n’avons rien à nous reprocher l’un à l’autre) ; quelqu’un dont les défauts sont un fardeau qu’il traîne avec lui plus ou moins consciemment et qui aura, par la grâce de Dieu, quelque lien invisible pour moi avec la charge totale pesant sur les épaules de Jésus-Christ  » (Hans Urs von Balthasar).

Le Christ est en tous les frères, le Frère, en tout prochain humainement proche, le prochain divinement proche. C’est pourquoi chacun de nos frères devient non pas son déguisement mais son sacrement.

L’amour du frère provient donc sans réserve de la contemplation de la face et des gestes de l’amour de Dieu.

Mais en même temps – ou plutôt dans un même mouvement – l’amour de Dieu est manifesté par l’amour du frère. Dieu, pour nous révéler son amour, a choisi le langage des hommes et il a besoin de nos cœurs de chair pour parler au monde de son amour, il a besoin de nos cœurs pour aimer.