15ème dimanche du Temps Ordinaire
Année C
Mt 10, 25-37.
Alléluia. Alléluia.
Tes paroles, Seigneur, sont esprit et elles sont vie.
Tu as les paroles de la vie éternelle.
Alléluia. (cf. Jn 6, 63c.68c)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là,
un docteur de la Loi se leva
et mit Jésus à l’épreuve en disant :
« Maître, que dois-je faire
pour avoir en héritage la vie éternelle ? »
Jésus lui demanda :
« Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ?
Et comment lis-tu ? »
L’autre répondit :
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu
de tout ton cœur, de toute ton âme,
de toute ta force et de toute ton intelligence,
et ton prochain comme toi-même. »
Jésus lui dit :
« Tu as répondu correctement.
Fais ainsi et tu vivras. »
Mais lui, voulant se justifier,
dit à Jésus :
« Et qui est mon prochain ? »
Jésus reprit la parole :
« Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho,
et il tomba sur des bandits ;
ceux-ci, après l’avoir dépouillé et roué de coups,
s’en allèrent, le laissant à moitié mort.
Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ;
il le vit et passa de l’autre côté.
De même un lévite arriva à cet endroit ;
il le vit et passa de l’autre côté.
Mais un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ;
il le vit et fut saisi de compassion.
Il s’approcha, et pansa ses blessures
en y versant de l’huile et du vin ;
puis il le chargea sur sa propre monture,
le conduisit dans une auberge
et prit soin de lui.
Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent,
et les donna à l’aubergiste, en lui disant :
‘Prends soin de lui ;
tout ce que tu auras dépensé en plus,
je te le rendrai quand je repasserai.’
Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain
de l’homme tombé aux mains des bandits ? »
Le docteur de la Loi répondit :
« Celui qui a fait preuve de pitié envers lui. »
Jésus lui dit :
« Va, et toi aussi, fais de même. »
Jésus marche vers Jérusalem, vers le Golgotha. Au début du chapitre 10 du même Évangile, il est dit que son programme de route envisageait de s’arrêter et dans un village de samaritains, il aurait aimé être accueilli par eux. Ceux-ci ont refusé de l’accueillir et pourtant aujourd’hui, dans l’Évangile, c’est toujours d’un samaritain dont Jésus nous parle et il nous le donne même en exemple.
Le récit très vivant, tiré de l’Évangile de Luc commence par une importante question posée à Jésus par un docteur de la Loi. C’est une très bonne question, personnelle et pratique. En effet, il n’a pas dit de façon abstraite : « Quel est le plus grand commandement ? » mais bien : « Que dois-je faire ? » Jésus lui dit : « Tu es un docteur de la Loi ; tu dois savoir cela. Que lis-tu dans ta Loi ? » Et l’homme donne alors la bonne réponse : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même. » Très bien, dit Jésus ! Fais cela et tu auras la vie éternelle. Le docteur trouve que le dialogue s’est terminé un peu trop brusquement et il pose une autre question : « Mais alors… qui est mon prochain ? »
À cette deuxième question, Jésus répond par une parabole. Il est donc important de se souvenir que toute la parabole qui va suivre est une réponse à cette question : « qui est mon prochain ? « ; de fait, lorsqu’il aura fini de raconter sa parabole, Jésus reviendra précisément à cette question: « Qui, d’après toi, a été le prochain de l’homme tombé sous les coups des brigands? » Par cette question Jésus obligera le docteur à s’identifier avec l’homme tombé dans le fossé, sous les coups des brigands (Souvenons-nous que la technique de la parabole comme forme d’enseignement consistait à amener les auditeurs à s’identifier à l’un des personnages du récit.)
Reprenons la structure du récit. Le docteur avait dit « Qui est mon prochain ? » et Jésus reformule la même question à la fin : « Qui a été le prochain de l’homme tombé sous les coups ? » Le docteur ne peut que répondre : « Son prochain a été celui qui lui a manifesté de la compassion ». Si nous gardons tout cela présent à l’esprit nous nous rendrons compte que lorsque Jésus dit : « Va et fait de même » le sens immédiat n’est pas « Va et sois toi aussi un bon samaritain » mais bien plutôt : « Comme l’homme tombé sous les coups des brigands, accepte, toi aussi, que même un Samaritain soit ton prochain ».
Jésus nous demande de transcender – par l’amour – toutes les divisions que nous établissons entre nous. Transposée dans le monde d’aujourd’hui, la division entre Samaritains et Juifs serait la division entre les pauvres et les riches, entre les avocats de la globalisation et les victimes de celle-ci, entre conservateurs et progressistes, entre citoyens et résidents illégaux, etc. etc.
Pour nous, celui qui est de l’autre côté est, en général, celui qui a tort. Jésus invite à reconnaître la présence de la compassion dans une telle personne et à accepter d’être aidée par elle. Le Samaritain, dans cette parabole, est en voyage. Quant au prêtre et au lévite, ils sont chez eux, à domicile et ont donc beaucoup à faire. Ils n’ont pas le temps d’aider. Ils ont aussi tout ce qu’il leur faut. Ils se suffisent à eux-mêmes et ne reconnaissent pas leur prochain. Mais le Samaritain est en voyage. Il est en dehors de son environnement normal. Il est venu dans une terre étrangère cherchant quelque chose. Le chemin de Jérusalem à Jéricho était dangereux, spécialement pour un Samaritain. C’était un pauvre, une personne connaissant le mépris, le danger, la peur. Il pouvait donc s’ouvrir à la compassion.
Le Samaritain du monde d’aujourd’hui est la personne qui a abandonné la sécurité et le confort de son petit monde et qui veut apprendre des autres de nouvelles façons de penser et de vivre. Étant lui-même dans une situation constante d’insécurité – choisie ou en tout cas acceptée – il peut avoir de la compassion pour celui qui est tombé. Ce n’est que si nous entreprenons un tel cheminement, comme le Christ l’a fait, que nous serons capables d’aider nos frères et nos sœurs, non pas dans le but d’observer une loi, ou pour gagner des mérites dans le ciel ou pour le plaisir qu’on éprouve à être bon et généreux, mais tout simplement parce que nous serons « mus de compassion ».
Comme conclusion pratique : il serait trop aisé de prendre la résolution d’être de bons samaritains envers les personnes qui nous entourent.
Écoutons plutôt la leçon de la parabole de Jésus. Acceptons l’évidence que nous sommes, de façons diverses, tombés dans le fossé. Notre premier défi est d’accepter que notre prochain, celui qui nous aidera, sera celui ou celle que nous avons tendance à considérer indigne, voire ceux pour la conversion desquels nous avons l’habitude de prier.

4 février