15 juin 2024.
6 La troisième sorte de moines est celle des sarabaïtes. C’est une race tout à fait détestable. Aucune Règle n’a éprouvé ces gens-là comme l’or dans le feu (Sg 3, 6). Et pourtant, quand nous pratiquons une Règle, l’expérience nous instruit. Aussi ils sont mous comme du plomb.
7 Par leurs actions, ils montrent qu’ils sont encore attachés au monde. Ils se font raser le crâne, mais c’est un mensonge envers Dieu, on le voit bien !
8 Ils vivent à deux ou trois, ou même seuls, comme des brebis sans berger. Ils sont enfermés dans leur enclos et non dans l’enclos du Seigneur. Faire ce qui leur plaît, voilà leur loi.
9 Toutes les pensées qu’ils ont, toutes les décisions qu’ils prennent, ils les disent saintes. Mais pour les choses qu’ils ne veulent pas faire, ils pensent : « Nous n’avons pas le droit de les faire. »
Après avoir parlé des cénobites et des ermites, Benoît en vient à parler de la caricature des cénobites que sont les sarabaïtes, avant d’en venir à la caricature des ermites que sont les gyrovagues.
Les sarabaïtes sont un genre de moines tout à fait détestable (teterrimum genus) qui n’a subi l’épreuve d’aucune règle, maîtresse d’expérience (experienta magistra) ; les sarabaïtes sont amollis comme du plomb (in plumbi natura molliti), et mentent à Dieu par leur tonsure, restant attachés au monde par leurs œuvres.
Quels sont leurs mœurs ? Ils vivent à deux ou trois, sans pasteur, dans leurs propres bergeries, ayant pour loi le plaisir de leurs convoitises (desideriorum uoluptas), faisant leur volonté propre.
A l’inverse des cénobites, ils n’ont ni règle, ni Abbé, auxquels se soumettre. Et voilà bien ce qui les rend abominables.
Pour Jérôme (Lettre 22, 34), les sarabaïtes ou « Remnuoth » sont « le genre de moines le plus détestable et le plus déprécié… Ils ne se soumettent à rien ». Cassien, qui suit Jérôme, les considère « les pires de tous » (Conf. XVIII, 7).
Refuser de se soumettre à un abbé et à une Règle, c’est ce qui fait un faux moine ; accepter de se soumettre à un abbé et à une Règle, c’est ce qui fait un vrai moine et, d’une communauté chrétienne, un monastère bénédictin.
Il ne suffit donc pas de vivre dans un monastère pour être un moine. Le moine, même s’il demeure « enfermé dans son enclos » (RB 1, 8), peut être un sarabaïte s’il est incapable de dépendre d’autrui et soumis à la loi de son seul désir (RB 1,8-9).
Il est intéressant de noter ici que l’absence de pratique d’une Règle rend impossible l’obéissance à un abbé. La stabilité dans un monastère ne suffit donc pas à faire un cénobite !
11 août